Photo : Nos équipes sur la zone de chasse du super trawler allemand - Annie Hillina - en mars dernier dans le Golfe de GascognePhoto : Nos équipes sur la zone de chasse du super trawler allemand “Annie Hillina” en mars dernier dans le Golfe de Gascogne

Les 28 députés membres du nouveau Parlement Européen réunis mardi à Bruxelles pour la commission de la pêche ont confirmé à 20 voix contre 6 (et 2 abstentions) le vote d’avril 2019 visant à poursuivre les discussions pour octroyer un peu plus de 6 milliards d’euros du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) sur la période 2021-2027. Dans le même temps, les scientifiques des Etats Unis tablent sur un effondrement mondial des pêcheries d’ici à 2048. Demain donc.

Ces subventions publiques (interdites depuis 2004) sont destinées notamment à la modernisation de la flotte et à la construction de nouveaux navires, plus puissants et plus performants à remplir la mission pour laquelle ils ont été conçus : piller la mer. Les ambitions de l’industrie de la pêche sont toujours les mêmes, démesurées, déraisonnables, criminelles : pêcher le plus possible, sans discernement et en un minimum de temps pour satisfaire une demande en poissons qui ne cesse de croître à des prix toujours plus bas. A qui profite le crime ?

Dans sa définition pure, la démocratie est le pouvoir au peuple. Un peuple qui décide dans le sens de son intérêt. Or dans la réalité, la démocratie est otage d’une minorité puissante qui n’œuvre que pour les ambitions carriéristes personnelles et celles de son clan de nantis. Des personnes à qui nous avons confié les clés de notre avenir commun, alors qu’ils ne travaillent qu’à leur propre présent. Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil, mais cette révoltante démonstration nous concerne particulièrement.

20 députés (dont les noms seront bientôt connus) ont voté dans le sens des lobbys, à l’encontre de tous les avis scientifiques, des ONGs, des petits pêcheurs, à l’encontre du bon sens et de l’intérêt commun de notre génération et de celles à venir. Ces 20 personnes ont sacrifié l’océan à leurs intérêts personnels immédiats. Ils ont voté pour le financement PUBLIC de nouveaux navires de pêches PRIVES qui viendront renforcer un effort de pêche déjà en surcapacité par rapport à ce que l’océan est en mesure de supporter.

Alors que les chalutiers géants se succèdent en Manche ces dernières semaines et capturent sans discernement des milliers de poissons chaque jour et des mammifères marins « protégés », ces 20 élus ont décidé de continuer à subventionner le pouvoir contre nature de ces abattoirs flottants à piller la mer, jusqu’au dernier poisson, jusque dans le moindre recoin d’océan. L’appétit de cette industrie psychopathe pour les animaux marins ne cessera que lorsqu’elle les aura complètement anéantis, et nous avec.

Ces 20 hommes et femmes ont sans doute les épaules bien larges et la conscience bien légère pour assumer une telle responsabilité. Qu’y a-t-il de plus lourd à porter que de savoir qu’avec un simple vote on aurait pu contribuer à rendre ce monde meilleur et plus vivable pour tous et qu’on a choisi de voter pour l’inverse ?

Mais ne sommes-nous pas tous responsables ? Nous qui consommons les produits de cette pêche ? Nous qui voulons des sushis, du poisson pané, du surimi, de la viande nourrie aux farines de poissons, des poissons d’élevage nourris au poisson sauvage ? La pêche est la pire menace qui pèse sur l’avenir de l’océan et donc sur le nôtre. La pêche est une forme de chasse pratiquée à l’échelle industrielle comme il n’en n’existe nulle part ailleurs sur Terre. Mais elle n’existe que parce qu’elle répond à une demande.

Si les lobbys que nous dénonçons avec tant d’ardeur sont si forts, n’est-ce pas parce que NOUS les avons rendus forts ? En cédant aux sirènes de leur marketing, en ne se posant pas les bonnes questions, en choisissant de consommer leurs produits. Nous les avons rendus puissants, nous les avons rendus riches, nous leur avons donné la capacité de détruire le monde.

N’est-il pas temps de leur ôter ce pouvoir de nuisance démentiel ? S’il est facile pour les lobbys de convaincre 20 personnes de détruire l’océan, il est facile pour les millions de personnes que cela choque, de détruire les lobbys. Car si on ne peut pas couler leurs navires en mer, on peut les couler économiquement. Rien de plus simple et rien de plus compliqué à la fois. Simple parce qu’il suffit de boycotter leurs poissons. Compliqué parce que pour que ça marche, il faut qu’on soit des millions à le faire.

Lamya ESSEMLALI
Présidente Sea Shepherd France