Sur la marée noire

Monsieur le Ministre De Rugy : Nous avons tiré les leçons d’expériences passées de pollution diverses et variées plus ou moins importantes.

Sea Shepherd France : Nous sommes dubitatifs là-dessus. Quelles mesures d’urgences sont en place pour affronter une éventuelle arrivée massive d’oiseaux mazoutés ? Considérez-vous au regard des précédentes marées noires que nous sommes prêts ? Avez-vous regardé les chiffres, les capacités d’accueil existantes ? La préfecture nous a interdit d’ouvrir un centre de soins d’urgences qui se tiendrait prêt à accueillir et soigner des oiseaux mazoutés UNIQUEMENT dans l’éventualité où les centres de soins existants se retrouvaient saturés comme ce fut le cas lors des dernières marées noires. Nous travaillons avec un réseau international d’experts en gestion de marée noire, ne demandons aucune aide publique, juste l’autorisation d’être là si le besoin se faisait sentir. Notre aide a rencontré une levée de boucliers absolument incompréhensible sur laquelle nous reviendrons prochainement.

Monsieur le Ministre De Rugy : Nous avons un certain nombre de containers qui ont été “embarqués par-dessus bord”, certains ont été récupérés, d’autres que nous recherchons encore et puis le reste de la cargaison a coulé avec le navire et malheureusement il y avait des produits chimiques dans cette cargaison mais vues les masses d’eau à 4000 mètres de profondeur, il n’y a pas de risque de pollution chimique.

Sea Shepherd France : La pollution disparait donc comme par magie lorsque diluée dans de l’eau en profondeur ? Ou bien est-ce que vous ne voulez pas plutôt dire que tout ça est trop loin pour nous toucher de plein fouet ? Est-ce que le fait que nous soyons moins touchés rend cette pollution inexistante pour la vie marine qui est-elle aux premières loges ? Ou bien est-ce parce les animaux marins ne votent pas que leur vie ne compte pas ?

Sur l’hécatombe de dauphins

Monsieur le Ministre De Rugy : Il faut identifier quels sont les engins de pêche qui sont en cause. Quelles sont les flottilles de pêche ? Aujourd’hui nous avons dans le Golfe de Gascogne des pêcheurs français qui eux sont engagés dans un programme, c’est tout récent, depuis la fin de l’année dernière, un programme de surveillance, il y a des observateurs sur les bateaux de pêche. Il y a également des appareils d’effarouchement des dauphins mais dont on ne sait pas s’ils produisent leurs effets vu la mortalité que l’on constate.

Sea Shepherd France : Avez-vous entendu la principale revendication des scientifiques de l’observatoire Pélagis qui alertent sur le problème depuis de nombreuses années ? A CE JOUR LA FRANCE N’IMPOSE AUCUNE OBLIGATION D’EMBARQUER DES OBSERVATEURS, contrairement à de nombreux autres pays européens ou de pays comme l’Australie qui a fait encore mieux en installant des caméras sur les ponts des navires. Savez-vous qu’il est impossible d’équiper les filets maillants de répulsifs acoustiques et que si on le faisait on transformerait le golfe de Gascogne en gigantesque pollution sonore puisque chaque fileyeur peut poser jusqu’à 100 kilomètres de filets par jour ! Savez-vous que même les bateaux qui embarquent des pingers ne les mettent pas forcément comme nous l’avons filmé récemment ? Savez-vous que tenter d’exclure les dauphins de leur zone de vie et de chasse porte atteinte à leurs chances de survie ? Savez-vous que nous n’avons plus le temps de nous tromper de solutions et de chercher dans la mauvaise direction ? Ce problème existe depuis plus de 30 ans, aujourd’hui la population de dauphins est à bout de souffle et vous tâtonnez à l’aveugle sur les mêmes chemins déjà empruntés il y a 15 ans.

Monsieur le Ministre De Rugy : Par le passé on a interdit les filets maillants dérivants, ça a été une bataille au niveau européen parce qu’il y avait justement une mortalité de dauphins. Il faut protéger les mammifères marins, vue cette mortalité, ça finit par mettre en danger, au-delà de l’aspect éthique, d’un point de vue écologique la biodiversité marine. C’est mon devoir de la protéger et en même temps de regarder comment on peut combiner en mer les activités de pêche.

Sea Shepherd France : Alors là, on dit bravo. Il pourrait s’agir là d’un copié collé de nos communications. Le problème est effectivement éthique et environnemental et votre responsabilité est directement engagée. Nous sommes pour notre part tout à fait disposés à vous aider mais on s’étonne néanmoins que pour votre “Plan National Echouages” visant à solutionner le problème, vous ayez étrangement choisi de faire uniquement appel à “l’expertise” de FNE (France Nature Environnement) et de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux). Quid des spécialistes trop radicaux peut être ? De l’aveu même des scientifiques qui suivent l’affaire depuis 30 ans, Sea Shepherd a amené cette problématique sous les feux des projecteurs comme jamais auparavant. Nous avons une expérience de plusieurs décennies en matière de pêches et d’interaction entre engins de pêche et mammifères marins et nous sommes la seule ONG à être présente dans le Golfe de Gascogne, sur les lieux de ces captures. Nous avançons aussi des pistes de solutions, et pourtant, à en lire vos récentes déclarations, nous ne sommes pas invités autour de la table des discussions aux côtés des “experts” que vous vous êtes choisis. Nous faisons peut-être trop de vagues ? Mais c’est nécessaire pour changer du calme plat de ces dernières années. Si nous voulons sauver les dauphins, il va falloir se secouer, nous sommes là pour ça. Nous demandons par ailleurs à ce que le pilotage de ce plan national soit confié à l’Observatoire Scientifique Pélagis qui est de loin l’organisme le plus légitime et le plus compétent pour ce rôle. Dans vos murs ou en dehors, nous espérons que vous aurez une oreille attentive à nos propositions. Soyez dans tous les cas assuré que nous saurons nous faire entendre. Le temps presse pour les dauphins, nous n’avons plus le droit à l’erreur.