La Cour suprême espagnole a ordonné le paiement de 700.000 euros à une entreprise chinoise, en dédommagement de la saisie d’une cargaison de légine australe illégalement pêchée, effectuée par un navire appartement à une organisation de pêche espagnole l’année passée au Viêt-Nam. À l’heure actuelle, deux autres bateaux de pêche appartenant aux mêmes armateurs s’apprêtent à prendre la mer après avoir été immobilisés plus de deux ans dans le port cap-verdien de Mindelo.

La semaine dernière, la Cour suprême espagnole a déclaré que les autorités vietnamiennes devaient verser à l’entreprise, établie en Chine, qui l’avait achetée, la valeur de la cargaison saisie de légine illégalement pêchée, qui avait été déchargée du Kunlun. Cependant, l’Espagne et la République populaire de Chine sont toutes deux parties contractantes de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), dont la convention stipule que leurs citoyens ne peuvent tirer un quelconque bénéfice de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Oceana et Sea Shepherd exhortent les gouvernements du Viêt-Nam, d’Espagne et de Chine à entrer immédiatement en collaboration pour prévenir un paiement qui viole manifestement les accords internationaux.

Le navire de pêche Atlantic Wind, initialement appelé le Yongding. Photo Sea Shepherd

En ordonnant le paiement de 700.000 euros de dommages pour une cargaison de légine australe illégalement pêchée, la Cour suprême espagnole n’envoie pas le bon signal aux pêcheurs et au marché mondial de la pêche. L’illégalité du poisson confisqué ne fait aucun doute, la documentation nécessaire à son commerce légal faisant défaut. La passivité adoptée par les autorités espagnoles et chinoises met en péril tous les engagements internationaux visant à réprimer la pêche INN. Les gouvernements feraient mieux de mettre fin maintenant à la pêche illégale,” a déclaré Lasse Gustavsson, directeur exécutif d’Oceana Europe.

Des navires sur liste noire prêts à reprendre leur activité à l’été austral

Cette décision de la Cour suprême espagnole tombe au moment où deux autres navires sur liste noire, historiquement rattachés à la même organisation, Vidal, s’apprêtent à reprendre leur activité. Précédemment nommés Yongding et Songhua , les deux navires, qui font l’objet d’une notice mauve d’Interpol — signalement international d’activité délictuelle –, ont été détenus en République du Cap-Vert, au large des côtes d’Afrique de l’Ouest, après que Sea Shepherd a averti la police judiciaire du Cap-Vert de leurs activités en 2015.

Oceana et Sea Shepherd ont néanmoins découvert que ces bateaux avaient été repeints et avaient changé de nom et de pavillon. Le Yongding a été rebaptisé Atlantic Wind et bat maintenant pavillon tanzanien, tandis que le Songhua a été renommé Pescacisne 2 et ré-immatriculé au Chili.

Après la poursuite du Thunder, la plus longue de l’histoire maritime, je suis maintenant familier du mode opératoire de ces délinquants,” a déclaré le capitaine Peter Hammarstedt, directeur de campagne de Sea Shepherd Global. “Les navires anciennement baptisés Yongding et Songhua ont embarqué équipage et matériel de pêche. Assurément, enhardis par la décision de la Cour suprême espagnole de récompenser un comportement délictueux, on prépare ces deux bateaux à repartir braconner en mer.

Oceana et Sea Shepherd unissent leur voix pour enjoindre le gouvernement du Cap-Vert de ne pas permettre aux bateaux de reprendre la mer et de leur refuser tout aide portuaire, puisqu’ils sont tous deux sur la liste noire de la CCAMLR et de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT). Les deux organismes exhortent aussi les gouvernements de Tanzanie et du Chili à retirer leur pavillon respectif à l’Atlantic Wind et au Pescacisne 2.

Il a fallu aux ONG environnementales et aux gouvernements engagés plus de vingt ans d’efforts acharnés pour unir la communauté internationale dans la lutte contre la pêche INN,” a ajouté Gustavsson. “LeYongding, le Songhua et le Kunlun sont les adversaires emblématiques de ce combat. Si la communauté internationale ne les arrête pas, ils n’auront de cesse de piller l’Antarctique.

La police et les militaires abordant le Youngding (utilisant le nom de Luampa), au Cap Vert en 2015. Photo Josephine Watmore/Sea Shepherd

Historique

En 2016, le ministre de l’Agriculture espagnol, la Guarda Civil (force de police espagnole) et Interpol ont lancé des opérations coup-de-poing visant des biens appartenant à Vidal, conglomérat de pêche sis en Espagne.

On a pu saisir des milliers de documents et de fichiers informatiques et procéder à six arrestations ; le ministre de l’Agriculture espagnol a réussi à faire infliger au conglomérat d’entreprises Vidal des amendes se montant à 17,8 millions d’euros ainsi qu’une interdiction de pêcher et une privation de subventions du gouvernement pour la pêche durant 25 ans.

Parallèlement, le parquet espagnol a entamé à l’encontre des armateurs une action (https://bit.ly/2ffmf6L) pour falsification de documents, blanchiment d’argent, crimes environnementaux et association de malfaiteurs. Au cours de l’enquête, une cargaison illicite de 164 tonnes de légine pêchée illégalement a également été saisie au Viêt-Nam par des agents des douanes, à la demande de la Guardia Civil, par le biais d’Interpol. Il s’agissait de la cargaison d’un navire de pêche figurant sur les listes noires internationales, et celle d’Interpol, le Kunlun. Fin 2016, la Cour suprême espagnole avait abandonné les poursuites, en dépit de l’opposition d’un juge, déclarant les tribunaux incompétents pour statuer sur des questions de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) en zones haute mer telles que l’Antarctique. La Cour avait ainsi estimé que le droit espagnol rendait impossibles toutes poursuites pour délits relatifs à la pêche INN, y compris pour un blanchiment d’argent appuyé par des preuves.