La guerre contre l’ours est déclarée en Ariège.

L’ours habite ces montagnes depuis des millénaires. L’Homme s’y est installé, longtemps après l’ours, et depuis, le plantigrade a toujours fait partie intégrante du patrimoine naturel et culturel de la montagne. Mais pour une minorité agissante qui dispose en Ariège de l’appui d’élus influents, cette figure ancestrale des montagnes au rôle écologique primordial, n’est désormais plus qu’un gêneur à éliminer.

La population d’ours dans les Pyrénées, classée en danger critique d’extinction est la plus petite d’Europe. Chaque vie d’ours gagnée ou perdue compte et de l’accord unanime des scientifiques consultés sur le projet d’arrêté, « les risques pour la survie de l’espèce induits par les effarouchements sont inacceptables ».

En effet, il est précisé dans les motifs de l’arrêté que : « Les tirs non létaux – engendrent chez l’ours un comportement agressif non souhaité et représentent un danger vital pour les individus effarouchés (avortement chez la femelle gravide, séparation de l’ourson pour une femelle suitée, blessures graves avec les balles plastiques…). Le Ministère chargé de l’environnement est conscient de ce risque ».

Le Ministère est donc conscient que cet arrêté peut potentiellement réduire à néant les chances d’avoir une population d’ours pérenne dans les Pyrénées. Il semble très bien s’en accommoder.

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photo : Kjell Isaksen

Un risque existe aussi pour les humains car une attaque d’ours est possible en cas de blessure par balle plastique dont le tir ne peut se produire qu’à courte distance, de l’ordre de 50 mètres.

Par ailleurs, les seuils de déclenchement de l’effarouchement sont beaucoup trop bas et ne constituent pas un « dommage important ». Autre élément : les mesures alternatives efficaces existent et ont fait leur preuve par un meilleur gardiennage des troupeaux. Ce qui vient renforcer l’illégalité de l’arrêté.

Ainsi, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), a rendu le 30 mars 2020, à l’unanimité, un avis défavorable très tranché sur ces mesures d’effarouchement qui mettent en péril la survie même de l’espèce. Plusieurs personnalités, vétérinaires, experts, anciens membres de comités ou conseils scientifiques s’expriment également au titre de leur fonction en défaveur de l’arrêté et dénoncent l’absence d’analyse comparative des avantages et inconvénients avec les autres pays européens qui hébergent des populations d’ours bruns bien plus importantes que la nôtre.

« Cet arrêté est une déclaration de guerre contre la vie sauvage. Si on souhaitait exterminer l’ours sans en avoir l’air, on ne s’y prendrait pas autrement » déclare Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France. « Nous mènerons toutes les batailles juridiques possibles pour empêcher cela. Et nous ne nous arrêterons pas là. L’ours a bien plus d’alliés que d’opposants. Si l’Etat contrevient à ses obligations légales, il est temps que la société civile les lui rappelle et s’empare du sujet. »

Une mère et ses deux oursons sèment « la terreur dans les estives »

Enfin, hasard du calendrier ou pas, quatre ours, dont une mère et ses deux oursons auraient selon le Maire d’Utsou, (Président de la fédération pastorale de l’Ariège et dont l’opposition aux ours dans les Pyrénées est de notoriété publique), semé la terreur sur une estive dans la nuit de mercredi à jeudi dernier. « Une nuit de cauchemar » décrit le Maire comme s’il l’avait vécue lui-même. De quoi justifier selon lui d’interdire les randonnées.

On s’étonne dès lors que les randonnées ne soient pas interdites à chaque attaque de chien errant ou même de vaches. Ces attaques, bien plus nombreuses et parfois mortelles sont loin de susciter tant d’émoi.

Il n’en fallait pas plus à Monsieur le Maire pour classer maman ours et sa progéniture dans la catégorie « ours à problème » et réclamer le déclenchement du plan du même nom. Un plan qui peut aller jusqu’à tuer les ours concernés. À Utsou, où un jeune ours a été tué par balles en juin dernier, la tolérance zéro semble s’appliquer à l’ours.

Rappelons à Monsieur le Maire que les critères d’identification d’ours ayant un comportement « à problème » (déjà sujets à interprétation) distinguent très clairement le comportement d’une mère en présence de petits, dont l’agressivité est reconnue comme un comportement normal de protection à l’égard de sa progéniture. (Critère n’3, rubrique 2.1 du protocole ours à problème). Le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) précise également que la mise en œuvre du protocole « ours à problèmes » n’est envisageable que dans le cas d’un ours adulte mâle apparemment isolé et non « d’une mère avec oursons qui seraient en apprentissage ».

Inutile de préciser que si un quelconque plan « ours à problèmes » devait malgré tout être envisagé, Sea Shepherd utilisera tous les recours possibles pour l’empêcher d’aboutir.

« Ça n’est pas l’ours le problème, c’est l’accaparement des territoires sauvages à l’usage exclusif des activités humaines » déclare Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France. « Les bergers qui sont favorables à la présence de l’ours. Aiment-ils moins leur métier ? Connaissent-ils moins la montagne que ceux qui décrètent que « l’ours n’y a plus sa place » ?

Pour changer, donnons plutôt la parole à une bergère qui n’envisage pas la montagne sans les ours (témoignage recueilli dans la synthèse de la Consultation publique sur le projet d’arrêté d’effarouchement) : 

« Je travaille en qualité de bergère sur une estive dans une zone à ours, et nous n’avons jamais eu aucun souci. Nous sommes en moyenne 4 humains sur l’estive, avec régulièrement beaucoup d’amis et familles de passage, nous avons aussi des chiens évidemment, mais aussi des ânes ! Je suis bergère et défend la présence de l’ours dans les Pyrénées, c’est sa présence qui me donne envie de vivre et travailler dans ces montagnes. »