L’association partenaire de Sea Shepherd, exclue du plan d’action du Préfet de Mayotte pour avoir relayé notre coup de gueule contre le Conseil Départemental

La Préfecture de Mayotte vient de lancer son “plan de sauvegarde tortues” lors d’une réunion qui s’est tenue le mercredi 16 décembre 2020. Par un texto envoyé du portable d’un stagiaire, la Préfecture a fait savoir à l’ASVM avec qui nous patrouillons régulièrement depuis 4 ans sur l’île, que ces derniers n’étaient plus les bienvenus à la réunion et au sein du groupe. La raison évoquée étant les propos tenus par Sea Shepherd, dénonçant les agissements du Conseil Départemental (CD).

En effet, en novembre dernier nous avions communiqué sur le fait que nous refusions de rejoindre une coordination censée lutter contre le braconnage de tortues et dont les rênes étaient initialement confiées au Conseil Départemental de Mayotte qui a depuis plusieurs années fait la démonstration de son incompétence et de son laxisme coupable. Pour rappel, Sea Shepherd constate depuis 4 ans, l’absence systématique des gardiens du CD sur la plage de Moya qu’ils sont censés patrouiller chaque nuit. Nos bénévoles sont donc contraints d’y monter la garde alors même que de nombreuses autres plages de ponte restent sans protection. A deux reprises au mois de novembre dernier, alors que nous avions fait fuir des braconniers sur Moya, désertée par ses gardiens, ces derniers se sont rabattus sur la plage de Papani et y ont tué des tortues que nous aurions pu sauver si nous n’étions pas obligés de faire le travail des gardiens.

L’année dernière, un braconnier récidiviste avait même été embauché par le CD et gardé en poste, en toute connaissance de cause. Braconnier, qui a ensuite, comme on pouvait s’y attendre, braconné de nouveau alors même qu’il était payé par des fonds publics pour protéger les tortues. Nous avons donc jugé normal et indispensable de rappeler ces éléments pour justifier que le Conseil Départemental n’est pas légitime à nos yeux pour encadrer la lutte contre le braconnage et qu’il a au contraire, de nombreux comptes à rendre en la matière. En réunion, on nous avait déjà signifié que nos critiques n’étaient pas les bienvenues.

Notre partenaire, l’ASVM composé de bénévoles pour la plupart, des villageois extrêmement modestes mais néanmoins très dévoués et disposant d’une très bonne connaissance du terrain ont apparemment fait “l’erreur” de relayer notre post.

Dans son texto, le stagiaire de la Préfecture indique à l’ASVM qu’il juge “blessants” les propos de Sea Shepherd et leur signifie qu’il essaiera quand même de les intégrer dans le groupe de travail à condition “qu’ils jouent le jeu”. Une condition qui peut être entendue comme la nécessité de faire profil bas et de taire toute critique, même argumentée et incontestable, à l’encontre des services de l’Etat. Cette volonté de réduire l’ASVM au silence peut aussi être corrélée à un autre épisode récent.

En novembre dernier, Ali Mohammed, Président de l’ASVM et employé du CD en charge des patrouilles contre le braconnage sur Grande Terre a dénoncé publiquement dans les médias locaux les manquements et les absences au poste des gardiens sur les plages où ils sont censés protéger les tortues. L’éviction de l’ASVM de cette nouvelle “union sacrée” serait-elle liée au fait que son Président ait lui aussi fait preuve d’une trop grande “véhémence” ?

Le Préfet vient d’annoncer hier qu’une enveloppe supplémentaire de 2,5 M€ sera débloquée pour lutter contre le braconnage, dont 1,5M€ de l’État. Deux associations locales bénéficieront de 60 000 euros de subvention.

Nous nous réjouissons de voir que l’Etat semble enfin prendre la mesure du braconnage sur l’île. En seulement deux mois de patrouille entre Octobre et Novembre, nos équipes ont déjoué 10 tentatives de braconnage et ont pu protéger plus de 200 tortues. Depuis maintenant 4 ans, nous constatons que la présence sur les plages du crépuscule jusqu’à l’aube au retour en mer des dernières tortues est le moyen le plus efficace de dissuader les actes de braconnage.

Nous regrettons en revanche que l’ASVM qui patrouille régulièrement, sans aucun budget, se soit vu renvoyer son dossier de subvention par la Préfecture sans aucune explication. Sea Shepherd avait en 2019 fait un don de 10 000 Euros à l’ASVM afin de les aider à s’équiper en véhicules, en chaussures de marche et en lampes frontales.

Nous lancerons prochainement une collecte pour eux afin de les aider à financer le renouvellement et l’amélioration de leur équipement de patrouilles et en parallèle, nos équipes juridiques s’assureront qu’aucune subvention ne puisse leur être refusée sans une justification objective.

En effet, notre ton jugé “véhément” par les services de la Préfecture ne peut justifier l’exclusion de nos partenaires et constitue dès lors, un détournement de pouvoir avéré qui enfreint le devoir d’égalité de traitement à la charge de l’autorité administrative en faveur des associations. Ce principe implique que les décisions de refus doivent se baser sur une raison objective ou un objectif d’intérêt général (exemple : le principe d’égalité de traitement s’applique dans le cadre de l’accès aux locaux communaux L2144-3 CGCT et également dans celui de la délivrance des subventions).

C’est précisément pour conserver cette liberté de parole et d’action que nous ne conditionnons jamais la faisabilité de nos missions à l’octroi de subventions d’Etat. Le soutien de nos sympathisants, de plus en plus nombreux chaque année, est notre plus grande force et nous les en remercions.

Pour notre part, nous préparons déjà notre retour à Mayotte d’ici quelques semaines afin de reprendre au plus vite les patrouilles aux côtés de l’ASVM.