Comme tout business, le crime est une activité diversifiée : un peu de hijacking, un peu de prêts usuraires, un peu de prostitution. Les responsables – ceux qui récupèrent tout l’argent – ne fréquentent jamais les lieux du crime, ils préfèrent plutôt se cacher derrière des activités légales et mettre de la distance entre eux et leurs activités criminelles. Le crime organisé en haute mer n’échappe pas à cette règle. Analyse d’Adam Meyerson, capitaine du M/Y Ocean Warrior de Sea Shepherd. L’un des principaux objectifs de l’opération Jodari consiste à aider les autorités tanzaniennes à faire cesser la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). Photo Alba Treadwell/Sea Shepherd[su_image_carousel source=”media: 1634,1635,1636,1637″]

Du plus gros senneur au plus petit boutre, les propriétaires des embarcations sont rarement à bord. Ils préfèrent cacher leur identité à travers des sociétés écran ou au moins ne pas prendre le risque d’être arrêtés à bord en pleine activité illégale. Il a été démontré que les embarcations et propriétaires qui se livrent à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) sont également ceux qui pratiquent le trafic de drogue, la traite d’êtres humains, et polluent les océans.

Si vous souhaitez démanteler une entreprise criminelle, vous devez être capable de vous attaquer à n’importe quelle activité illégale, à n’importe quel moment. Souvenez-vous que Al Capone n’a pas été arrêté et envoyé en prison pour meurtre, mais pour fraude fiscale. Cette idée a conduit à la création de l’équipe de travail multi-organismes (Multi-Agency Task Team, MATT) tanzanienne. La MATT rassemble des agents de la force publique issus de la lutte antidrogue, de l’immigration, des douanes et des pêches. Cette équipe, renforcée par cinq marines des forces spéciales, participe à l’Opération Jodari avec Sea Shepherd, en Tanzanie, pour démontrer l’intérêt d’un patrouilleur unique assurant à lui seul le travail de plusieurs patrouilleurs assignés à la surveillance des frontières, du trafic de drogue, de la sécurité maritime ou des pêches. Cette campagne s’est avérée être un franc succès, puisqu’elle a permis plus de 20 arrestations, la fixation d’amendes de plusieurs millions de dollars, la saisie de plusieurs navires, et l’arrêt total de la pêche illégale pratiquée à l’échelle industrielle dans la zone économique exclusive (ZEE) tanzanienne.

La capacité d’arrêter des navires quelle que soit l’infraction commise a fourni à l‘Opération Jodari une flexibilité opérationnelle totale. Le rapport entre des crimes environnementaux et un ferry surchargé, dépourvu d’équipements de sécurité, transportant des enfants en pleine mer, ne saute pas immédiatement à l’esprit. La présence de la MATT à bord signifie que l’on peut secourir les passagers en situation de grande insécurité, arrêter le capitaine et saisir le ferry, sans avoir à établir un lien avec un délit de pêche. Ce que vous comprenez alors, c’est que le navire qui est un ferry cette semaine, sera rempli de bois de mangrove la semaine prochaine, de pêche illégale la semaine d’après, d’ivoire le mois prochain, et ainsi de suite. Ces bateaux naviguent du moment que ça rapporte. Peu importe s’ils mettent en danger la vie d’enfants, détruisent des forêts ou introduisent de l’héroïne dans un pays, du moment qu’ils en tirent profit. Saisir ces navires et leurs cargaisons illégales permet de frapper leurs propriétaires cachés là où ça fait mal, à savoir, leurs comptes en banque.

En faisant appliquer la loi dans les eaux tanzaniennes, nous avons contribué à éliminer une bonne part de la pêche INN, du trafic de bois de mangrove et de fruits de mer, et peut-être même sauvé quelques vie en portant secours à des passagers de ferrys surchargés et dangereux. Notre seule présence dans la ZEE a permis de faire cesser les activités de toute une flotte de navires de pêche industrielle étrangers craignant d’être inspectés ou arrêtés. Chaque bateau que nous arrêtons constitue un bateau de moins dans la flotte des trafiquants, et chaque capitaine ou propriétaire traduit en justice représente un participant de moins à ce jeu de l’argent-roi.

Sea Shepherd explore un nouveau territoire, et l’équipage et moi-même apprenons de nouvelles choses tous les jours. C’est tout nouveau aussi pour les marines des forces spéciales et pour les agents du maintien de l’ordre de travailler ainsi avec une organisation non gouvernementale (ONG). Quel plaisir de constater que nous tous – issus d’horizons tellement divers – sommes capables de travailler en équipe pour combattre le crime dans les eaux tanzaniennes. Nous ne pourrions pas accomplir notre mission sans l’aide de nos donateurs, de nos soutiens dans le monde entier, et de nos partenaires, Fish-i Africa et la République unie de Tanzanie. Soyez assurés que tous les participants à l’Opération Jodari – la MATT, les forces spéciales et l’équipage de Sea Shepherd – travaillent sans relâche pour faire cesser les crimes et démonter le dispositif criminel qui permet la poursuite de la pêche INN.