2018 était une année clé dans le combat contre la chasse baleinière. En Septembre dernier la saison de chasse des rorquals communs (Balaenoptera physalus) se terminait avec comme bilan : 146 baleines tuées dont 2 hybrides baleine bleue/rorqual commun et 21 femelles gestantes. Toutes ces baleines ont été filmées par Sea Shepherd UK présent chaque jour de la saison. Deux autres associations, Hard to Port et Reykjavik Whale Save, étaient également présentes pour documenter, dénoncer et maintenir une pression constante auprès du Gouvernement. C‘est en effet à lui que revient la décision de renouveler ou non le permis de chasse accordé à Hvalur hf, dernière compagnie baleinière islandaise. Ce permis n‘est valide que pour 5 ans et septembre 2018 marquait la fin de cette période.

Depuis septembre, la tension autour de ce sujet est palpable en Islande. Le Gouvernement n‘a annoncé aucune date pour la décision de renouveler ou non le permis de chasse de Hvalur hf mais a commandé la rédaction d‘un rapport au Département d‘Economie de l‘Université d‘Islande afin d‘évaluer les impacts macroéconomiques de la chasse baleinière en Islande. Mercredi 16 Janvier 2019, l‘économiste Oddgeir Á. Ottesen rend ce rapport rédigé quasiment seul et ses conclusions sont pour le moins surprenantes : la chasse à la baleine en Islande serait durable, positive pour l´économie du pays et devrait non seulement continuer mais également être ouverte à d‘autres espèces comme les baleines à bosse. Se servant d‘un seul article scientifique publié en 1997 par le chercheur en charge du programme de chasse scientifique et se basant uniquement sur la quantité de poissons que peut manger une baleine par an, il avance qu‘une augmentation de 40% de baleines chassées permettrait d‘augmenter les exports de poissons et d‘accroitre ainsi les bénéfices de 10 milliards de couronnes islandaises (73 millions d‘euros). De plus, il dénonce le danger que représente les associations environnementales comme Sea Shepherd et Greenpeace qu‘il qualifie de „terroristes“, s‘inquiète de la création de Sea Shepherd Iceland et recommande la mise en place d‘une législation plus stricte contre ces associations. Ne s‘arrétant pas là, il conclut en attirant l‘attention sur le whale watching et l‘impact négatif que peut avoir cette pratique sur les baleines et recommande un renforcement des règles de conduite.[su_image_carousel source= »media: 1397,1398,1399″]

Les réactions autour du rapport ne se font pas attendre. La question de son objectivité et de sa légitimité est rapidement au coeur des débats. Aussi bien à la radio qu´à la télevision, les interviews s‘enchaînent. Parmi les plus marquants, on relève ceux de la Première Ministre, Kathrin Jakobsdóttir, ouvertement anti-chasse à la baleine, qui non seulement dénonce les conclusions hatives du rapport mais défend aussi les associations environnementales face aux accusations de terrorisme. Le débat entre Rannveig Grétarsdóttir, représentante des compagnies de whale watching et Oddgeir Á. Ottesen met également en évidence les biais de son rapport. Alors que l‘économiste soutient avoir consulter des compagnies de whale watching, Rannveig Grétarsdóttir dit que personne à sa connaissance n’a été contacté. De plus après quelques jours de débats, la communauté scientifique se fait enfin entendre, the Ecological Society of Iceland (association de biologistes) publie un article dans les médias dénonçant « les fausses hypothèses de l’impact des baleines sur les stocks de poissons », accusant l’auteur d’avoir « laissé de côté les découvertes récentes en écologie marine en Islande » et de s’être « basé sur une vue simplifiée de l’écologie, des écosystèmes et des réseaux trophiques marins ». Ils rappellent également toute l’importance que les baleines ont sur les écosystèmes marins et le rôle majeur qu’elles jouent face au changement climatique. En effet, depuis une dizaine d’années de plus en plus de recherches montrent que les baleines aident au développement de la production primaire (le phytoplancton), participant ainsi à une augmentation de la séquestration du CO2 par les océans et une augmentation des stocks de poissons*.

La publication de ce dernier article a sûrement initié un tournant dans les débats autour du renouvellement du permis de chasse baleinière. Si le Gouvernement ne s‘exprime plus sur ce sujet depuis quelques jours, toujours aucune date n‘est annoncée pour une décision finale. Du cóté de Sea Shepherd Iceland, nous continuons à informer le public et nous espérons que le rapport économique indubitablement „pro-whaling“ aura l‘effet contraire souhaité par son auteur. Il y a quelques jours avait lieu un important séminaire sur „le changement climatique et les océans“ au cours duquel des représentants du Gouvernment présentaient leur plan d‘action face au changement climatique. La question de la chasse baleinière n‘ayant pas été évoquée, Sea Shepherd était là pour la rappeler et souligner la question vériatblement importante aujourd´hui: n‘est-il pas temps d‘intégrer la protection des baleines dans le plan d‘action face au changement climatique ?

Le rapport économique et les différents articles relatifs au débat sont disponibles sur la page de Sea Shepherd Iceland : www.facebook.com/seashepherdICE/

*Roman J, et al. 2014. Whales as marine ecosystem engineers. Frontiers in Ecology and the Environment 12: 377-385.
Shanahan M. 2018. How whale poop could counter calls to resume commercial hunting. Scientific American. August 28, 2018. Lavery TJ, et al. 2012. Can whales mix the ocean? Biogeosciences Discussions 9: 8387-8403.
Lavery, T. J., Roudnew, B. , Seymour, J. , Mitchell, J. G., Smetacek, V. and Nicol, S. (2014), Whales sustain fisheries: Blue whales stimulate primary production in the Southern Ocean. Mar Mam Sci, 30: 888-904. doi:10.1111/mms.12108