Malgré un fort soutien des Etats membres, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) – l’organe intergouvernemental principalement chargé de la gestion des pêcheries de thon dans l’océan Atlantique – a échoué à approuver une proposition cruciale présentée par le Sénégal et visant à adopter une réglementation forte contre la rétention de requins mako.
La proposition du Sénégal, présentée devant la 26e réunion de la commission (qui s’est déroulée à Palma de Majorque du 18 au 25 novembre), aurait permis l’interdiction de la « rétention à bord, transbordement ou déchargement d’une partie ou d’une carcasse complète de requin mako de l’Atlantique Nord dans toute zone de pêche gérée par la CICTA. » La proposition intégrait également des quotas stricts pour le mako de l’Atlantique Sud. La proposition du Sénégal faisait suite à une recommandation du Comité permanent pour la recherche et les statistiques de la CICTA (SCRS) d’adopter une politique de non rétention sans exception pour le requin mako.
Considéré comme le requin le plus rapide au monde, le requin taupe-bleu est particulièrement vulnérable à la surpêche, car il atteint sa maturité sexuelle plus tard que d’autres espèces de requins. Une étude de 2017 a mis en évidence que le mako de l’Atlantique Nord n’avait qu’une chance sur deux de survivre à la surpêche si les prises étaient ramenées à zéro et que des mesures complémentaires étaient adoptées. Reconnaissant l’état de conservation critique du requin taupe-bleu, les parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore marines menacées (CITES) ont voté en faveur d’une protection commerciale pour cette espèce vulnérable à la 18e conférence des parties, qui s’est tenue à Genève en août dernier.
La proposition du Sénégal était soutenue par les 16 membres de la CICTA, dont font partie les Etats côtiers africains de la Gambie, du Gabon et du Libéria. Ces pays se sont associés à Sea Shepherd pour mener des patrouilles conjointes en mer qui ont permis l’arrestation de dizaines de navires de pêche pour pêche illégale et autres délits liés, dont l’arrestation de navires européens qui pêchaient des requins pour leurs ailerons ainsi que des espèces de requins vulnérables d’eau profonde pour la production d’huile de foie de requin.
« La Gambie, le Gabon et le Libéria continuent de démontrer leur avant-gardisme dans la lutte contre la pêche illégale, à la fois en mer à travers l’arrestation de criminels qui braconnent les requins et dans les forums internationaux de protection de la nature en proposant des mesures de préservation musclées pour les requins. A Sea Shepherd, nous sommes fiers de nos partenaires qui ont porté la lutte pour la protection du requin taupe-bleu à la dernière réunion de la CICTA« , assure Peter Hammerstedt, Directeur des campagnes pour Sea Shepherd Global.
L’Union Européenne (UE) et les Etats-Unis se sont opposés à la proposition, défendant chacun des propositions concurrentes entachées d’exceptions et fixant des quotas de capture non conformes aux recommandations scientifiques. En conséquence, une version considérablement amoindrie de la règlementation sur la non-détention a été adoptée par les parties de la CICTA. L’opposition de l’UE à la proposition du Sénégal est particulièrement troublante dans la mesure où les navires de pêche européens sont responsables de la grande majorité des captures de requin mako.
« Il était extrêmement décevant de voir l’UE et les Etats-Unis ignorer les données scientifiques les plus fiables à la faveur de l’opportunisme politique et au détriment de la conservation des espèces. Pour sauver le requin taupe-bleu de l’Atlantique Nord, hautement menacé, des mesures appropriées s’imposent dès maintenant pour accélérer le rétablissement de la population. La fixation de quotas sur la base d’une probabilité de reconstitution de la population dans plus de 50 ans va non seulement à l’encontre de la recommandation de prudence de la SRCS mais crée également un précédent dangereux pour les populations de requins touchées par les pêcheries de la CICTA« , a expliqué le Directeur juridique de Sea Shepherd, Brett Sommermeyer.
Sea Shepherd remercie la Gambie, le Gabon, le Libéria, ainsi que les 13 autres soutiens de la proposition du Sénégal, pour avoir adopté une position ferme en matière de conservation à la réunion de la CICTA. Avec près de 31 000 requins tués chaque heure par l’homme, les populations de requins ont chuté de 90% au cours du siècle dernier et un quart des espèces de requins sont maintenant en danger critique d’extinction. Les soutiens de la proposition du Sénégal ont reconnu le besoin urgent de protéger les requins et donc l’importance de mettre en place des mesures de protection plus ambitieuses pour le très affecté requin mako.