Mardi, 6 mars 2018

« Provocation, diffamation, populisme de bas étages, propos nauséabonds », le Comité des pêches n’a pas de mots assez durs pour qualifier l’opération « Dolphin By Catch » lancée par Sea Shepherd le 23 Février dernier. Le Comité des pêches affirme dans un communiqué « rétablir quelques vérités ». En parallèle, les Ministères de l’Agriculture et de la Transition Ecologique disent rester mobilisés pour réduire les captures de dauphins. Parlons-en.

Comité Des Pêches

« Il n’y a pas de “pêche dirigée” Les dauphins échoués sont morts en raison de facteurs multiples « Causes naturelles : mort consécutive à l’échouage vivant accidentel, compétition interspécifique, prédation, autres morts naturelles. »

Sea Shepherd

Certes, comme toute espèce vivante, les dauphins meurent de cause naturelle mais d’après les analyses scientifiques établies sur les 800 cadavres échoués en 2017, plus de 90% d’entre eux montraient des traces caractéristiques de captures dans des filets.
Une présentation honnête des faits devrait donc commencer par ce qui est de loin, la principale cause de mortalité des dauphins en France. Par ailleurs, si les dauphins ne sont pas ciblés intentionnellement, ils sont des dommages collatéraux non assumés par les principaux responsables et cachés au grand public grâce à la complicité du Ministère de l’Agriculture qui entretient une confortable omerta.

Comité Des Pêches

La population n’est pas en voie d’extinction. La population de Delphinidés presents dans le Golfe de Gascogne en hiver est estimée à 300 000 individus (Laran et al. 2016, Observatoire Pelagis).

Sea Shepherd

Dauphins communs capturés accidentellement dans un chalut pélagique – crédit : CRMM)

D’après les estimations plus récentes, les dauphins communs (principales victimes en Atlantique) seraient environ 200 000 en hiver sur le plateau continental, s’étendant de la Manche Ouest au Sud du Golfe de Gascogne (Laran et al. 2017). Mais surtout, « les estimations de mortalité fournies par les échouages indiquent une mortalité supérieure au seuil soutenable pour la population » (Laran et al. 2016). En 2017, suite à l’échouage de 800 dauphins en 1 mois et demi sur la côte atlantique, Hélène Peltier de l’Observatoire Pélagis s’exprimait ainsi la presse : « La situation est extrêmement préoccupante et nous tirons la sonnette d’alarme sur les perspectives de conservation du dauphin commun sur la façade atlantique, une espèce qui se reproduit lentement ». Au-delà de la viabilité de l’espèce, de tels niveaux de mortalité « accidentelle » posent une vraie question éthique.

Pour rappel au CDP, le Dauphin commun (Delphinus delphis), principale victime « accessoire » des filets de pêche en sur la côte atlantique française, est une espèce protégée non seulement en France mais également dans toute l’Europe. Différents textes entérinent cette protection : convention de Berne, convention de Bonn, liste rouge de l’IUCN, et annexe II de la CITES. La survie de l’espèce est maintenant jugée critique en Méditerranée (source : GREC).

Comité Des Pêches

Le nombre d’échouages comptabilisés en 2017 et les estimations de captures accidentelles en 2016 s’élèvent à 4000 (Peltier et al.)

Sea Shepherd

Vu que les pêcheurs ne déclarent pas leurs captures, les scientifiques sont contraints de baser leurs estimations sur les dauphins qui sont rejetés par la mer. Or, en 2017, les estimations basées sur les 800 échouages ont fait état d’un chiffre allant jusqu’à 10 000 dauphins tués. En effet, du fait des tempêtes Leiv, Marcel et Zeus l’océan a rejeté 30 fois plus de dauphins qu’habituellement. Les scientifiques sont très clairs sur le fait que les tempêtes ne sont pas responsables de la mortalité des dauphins (dont plus de 90% portaient des traces de capture) mais qu’elles ont simplement rendu celle-ci plus visible. Si 2017 n’a d’exceptionnel que la visibilité sur la mortalité et non le taux de mortalité en lui-même, alors, le nombre de dauphins qui meurt chaque année sur nos côtes est vraisemblablement supérieur aux estimations moyennes faites sur les 20 dernières années sur la seule base des dauphins échoués.

 

Ministère de l’Agriculture et de la Transition Ecologique :

« La France reste mobilisée pour limiter les captures accidentelles de dauphins » .

Sea Shepherd

Carcasses de dauphins communs évacuées des plages de Vendée – crédit : observatoire Pélagis

Une « mobilisation » qui ne donne aucun résultat puisque d’après le rapport de l’Observatoire Pélagis, CNRS et l’Université de La Rochelle, « Les échouages de mammifères marins n’ont cessé d’augmenter le long de nos côtes depuis 20 ans ».
Hormis des déclarations de posture, comment le Ministère en charge de la pêche se mobilise-t-il concrètement ? Pourquoi n’a-t-il alloué aucun fond à l’équipement des navires de pêche en techniques sélectives (pingers par exemples (IFRMER) ) alors que le problème est bien connu de ses services depuis 30 ans ? Pourquoi persiste t-il à autoriser la pêche au chalut sur les zones de frayère du bar en pleine période de reproduction ?

Ministère de l’Agriculture et de la Transition Ecologique :

« De nouveaux outils vont être progressivement mis en oeuvre pour permettre aux professionnels de la pêche de déclarer les captures accidentelles de mammifères marins » .

Sea Shepherd

Comment se fait-il que la DPMA (Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture, rattachée au Ministère) n’ai toujours pas nommé d’organisme en charge de recueillir ces déclarations alors que la loi oblige les pêcheurs à déclarer leurs captures de dauphins depuis 2012 ? Cela revient à obliger chacun à déclarer ses impôts tout en omettant de mettre en place un Trésor Public. En faisant cela, la DPMA entretient volontairement l’opacité autour de ces captures.

Ministère de l’Agriculture et de la Transition Ecologique :

Ce suivi complète les relevés réalisés par les observateurs scientifiques embarqués à bord de certains navires de pêche (programme OBSMER).

Sea Shepherd

Le programme OBSMER est à l’heure actuelle une fumisterie qui donne l’illusion d’un contrôle mais qui ne peut pas rendre compte des pratiques d’une majorité de navires. D’abord parce qu’il repose uniquement sur la bonne volonté du patron de pêche qui peut tout à fait refuser un observateur ou choisir ses sorties en mer.

Mais aussi parce que les observateurs embarqués ne sont pas toujours dans des conditions qui leur permettent de travailler sereinement et d’avoir accès à toutes les informations dont ils ont besoin. Plusieurs observateurs nous ont rapporté avoir été victimes de menaces, de pressions, déclarent avoir    assisté   à    des   activités   illégales à bord de certains navires, à des falsifications de déclarations et à captures d’espèces protégées sans pouvoir en témoigner librement du fait de la pression et des intimidations exercées à leur encontre. Nous publierons prochainement deux témoignages d’observateurs dans leur intégralité.

Conclusion
Les solutions existent. Ne manque que la volonté du Ministère.
          Moratoire sur la pêche au chalut sur les zones de frayère de bars entre janvier et mars.
On parle principalement d’une trentaine de navires responsables qui agissent au détriment de l’écosystème marin, d’une majorité de pêcheurs et des générations futures.
         Obligation pour les navires à fort taux de captures accidentelles de cétacés, d’être équipés d’outils de répulsion acoustique. L’IFREMER travaillant étroitement avec des entreprises de développement acoustiques a démontré que l’utilisation de pingers diminue considérablement les captures de cétacés. Dans d’autres pays, des essais ont amenés les taux de captures accidentelles de delphinidés jusqu’à 0% en présence de pingers sur les engins de pêche (Source : Stephen M. Dawson et Al. 2013).
Précision : tous les pêcheurs ne sont pas dans le même bateau.
Le Comité des pêches accuse Sea Shepherd de vouloir faire passer les pêcheurs pour des méchants, mais il se rend par cette déclaration coupable d’un amalgame que nous ne faisons pas nous-mêmes.Si nous ne faisons l’apologie d’aucune forme de pêche et incitons les gens à manger moins de poissons, nous faisons une différence entre une petite pêche sélective et des techniques de pêche aussi destructrices que le chalutage ou la pêche à la senne.Ce ne sont pas « des amis des animaux » qui nous ont alertés sur cette problématique, mais des pêcheurs. Ils sont nombreux à se mobiliser depuis des années contre la pêche au chalut sur les zones de frayères du bar dont ils sont en réalité, les plus farouches opposants.

Soutenez l’opération Dolphin Bycatch en signant et en partageant notre pétition en ligne :Signez la Pétition