La Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué en faveur de la multinationale Marine Harvest en prononçant une injonction à l’encontre des Premières Nations leur interdisant de s’approcher des fermes piscicoles, pourtant situées sur leurs territoires.

Le 2 août 2018 [Vancouver, Colombie-Britannique] – Le juge Maisonville a décrété aujourd’hui qu’Alexandra Morton serait désormais l’unique personne autorisée à prélever des échantillons aux abords des fermes salmonicoles, à condition de naviguer sur un bateau d’une longueur maximale de 2,6 m, bien qu’une telle embarcation ne puisse assurer la sécurité de son équipage sur les eaux marines de la côte britanno-colombienne.

Il s’agit là d’une double défaite : d’une part, pour Marine Harvest qui désirait écarter Alexandra Morton de ses exploitations ; et d’autre part, pour les Premières Nations dont les droits n’ont pas été reconnus par le juge. “Le fait que la Cour n’ait pas reconnu explicitement les droits des Premières Nations me choque énormément“, confie Alexandra, adoptée par deux nations locales. “Je profiterai des droits que l’on m’a accordés pour poursuivre l’échantillonnage au nom des nations qui luttent sans relâche pour préserver les saumons sauvages de la salmoniculture.” Ceci ne concerne que l’injonction. La décision plus large portant sur les droits des Premières Nations a été arrêtée lors de l’audience.

Dans sa déclaration, Alexandra Morton, biologiste et défenseure du saumon sauvage, a déclaré que Marine Harvest manquait de transparence sur l’état de santé des saumons de ses fermes. Par conséquent, il est dans l’intérêt public d’autoriser des scientifiques à avoir accès aux eaux qui se situent aux abords des fermes. Le permis d’exploitation octroyé à chaque ferme par la province de la Colombie-Britannique ne permet pas une occupation exclusive et ne s’applique qu’au fond marin, pas à l’eau. En outre, la libre circulation des bateaux sur l’océan était déjà stipulée dans la Magna Carta il y a 500 ans.

Geroge Quocksister, chef héréditaire de la Nation Laichwiltach

Cela fait un mois qu’Alexandra navigue à bord du Martin Sheen, un navire de recherche scientifique de Sea Shepherd. Son objectif consiste à prélever des échantillons de déchets déversés par les fermes salmonicoles et à évaluer l’impact de ces dernières. Elle se préoccupe particulièrement du très controversé virus de l’anémie infectieuse du saumon (AIS) qui fera l’objet de deux procès en septembre. Alexandra a d’ailleurs publié trois rapports scientifiques sur ce virus.

Je ne suis pas surpris par ce verdict“, a commenté le capitaine Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd. “Les instances juridiques de la Colombie-Britannique ont depuis toujours défendu les intérêts des entreprises plutôt que ceux des Premières Nations et des environnementalistes. Je dois avouer que je suis terriblement impressionné par les preuves présentées qui reflètent l’héroïsme, le dévouement et la passion avec lesquels les Premières Nations se sont battues contre cette industrie norvégienne prospère afin de préserver le saumons sauvage présent sur leurs territoires ancestraux. En effet, Marine Harvest a mis en danger la santé de cette espèce en introduisant un prédateur exotique dans un écosystème auquel il n’appartient pas.” Et d’ajouter : “En revanche, il est gratifiant de constater que le scénario que Marine Harvest appréhendait le plus s’est produit. À savoir, la Cour suprême a décidé que la Dre Alexandra Morton pouvait prélever en toute légalité des échantillons à des fins de recherche scientifique dans les zones interdites aux Premières Nations.

Selon moi, il est légitime et important de documenter et de dénoncer la contamination des eaux britanno-colombiennes dues à ces fermes salmonicoles“, explique Alexandra Morton. “Le gouvernement semble avoir peur de cette industrie et permet donc la plus grande débâcle industrielle de l’histoire de la Colombie-Britannique. Alors que le ministère des Pêches et des Océans (MPO) laisse aux scientifiques le soin d’évaluer les dégâts de la salmoniculture, Marine Harvest fait tout ce qui est en son pouvoir pour leur mettre des bâtons dans les roues. Je suis vraiment ravie que le juge Maisonville ait autorisé la poursuite des recherches.

Toutefois, Marine Harvest semble contrariée par les recherches d’Alexandra Morton et des autres scientifiques travaillant à bord du Martin Sheen de Sea Shepherd. Au début du mois de juillet, Marine Harvest a engagé Black Cube Strategy and Consulting pour suivre de près les scientifiques avec des navires armés de caméras et dotés de vitres surteintées. Cette entreprise traque ainsi l’équipe de recherche de ferme en ferme, qu’elle soit à l’ancre ou encore à quai. Cette entreprise est impliquée dans des controverses de falsification de preuves, notamment l’affaire Harvey Weinstein dans laquelle elle tentait d’intimider et de faire taire les victimes.

Pendant ce temps, les pourparlers se poursuivent entre la province de la Colombie-Britannique et les Premières Nations de l’archipel de Broughton au sujet des droits d’exploitation de vingt fermes salmonicoles ayant expiré depuis le 20 juin. Marine Harvest fait également l’objet de trois autres poursuites judiciaires.[su_image_carousel source=”media: 1121,1122,1123,1124,1125,1126,1127″]