Gary Stokes, leader de la campagne de protection des requins au Timor Oriental, répond à la déclaration du ministre de l’agriculture et des pêches parue dans le Timor Post d’hier sous le titre « Hong Long ne capture pas de requins protégés ».

La patience paie et, dans le cas présent, le Ministre de l’agriculture et des pêches du Timor Oriental s’est démasqué. M. le Ministre Acacio Guterres a choisi de prendre parti publiquement en faveur d’une entreprise de pêche étrangère, criminelle notoire, au détriment des intérêts du peuple.

M. Guterres protège-t-il les ressources naturelles du peuple du Timor Oriental comme sa fonction l’y oblige ? Comment M. Guterres sait-il que les navires de la Cie Hong Long ne capturent pas de requins protégés ? Les croit-il sur parole ? Nous savons qu’ils détenaient des requins protégés en février 2017, mais ont été relaxés, donc comment peut-il prétendre qu’ils n’en ont plus désormais ? Le Ministre de l’agriculture et des pêches ne peut pas affirmer qu’ils n’ont attrapé aucun requin protégé, sauf à avoir inspecté chaque cargaison. Ces déclarations sont sans fondements.

Présence constatée de requins dans les cales de la flotte de pêche. Photo Jake Parker/Sea Shepherd

M. Guterres dit que la flotte de Hong Long ne cible pas les requins, mais capture simplement des espèces de requins autorisées par la loi du Timor Oriental. Les requins représentant plus de 90% de leurs prises, ce n’est clairement pas le cas. Une copie du formulaire de licence de pêche considère les espèces autorisées comme “poissons benthiques, mérou, vivaneau et autres”. Nous n’avons jamais vu les termes d’une licence aussi vagues et aucun ministre des pêches sensé n’accepterait une telle liste. La flotte en question a été observée par Sea Shepherd en train de retirer des filets remplis majoritairement de requins. Détruisant par la même occasion le fragile récif corallien.

La flotte a été inspectée brièvement le 9 septembre par la PNTL (Police Nationale du Timor Oriental), néanmoins une inspection approfondie a été suggérée alors que les cales étaient pleines et une telle inspection prend des jours. La flotte n’a pas été retenue lors de son transfert vers Kairabela et a été laissée sans surveillance, exceptée celle de l’Ocean Warrior de Sea Shepherd qui a veillé dessus 24 heures sur 24. Les équipages ont passé les premiers jours dans les bateaux puis, à la nuit tombée, ont démarré les moteurs et commencé à sillonner la baie de façon erratique sans aucune raison, si ce n’est de larguer les espèces pêchées illégalement dans les eaux profondes du large. Cela revient à laisser un meurtrier sur la scène de son crime, sans surveillance, afin qu’il détruise toutes les preuves qu’il souhaite. Si M. Guterres agissait dans l’intérêt du peuple du Timor Oriental, il avait toute latitude, après que le raid a été rendu public le 9 septembre, pour conduire une inspection complète des navires. Il a choisi de ne pas le faire.

Le peuple du Timor Oriental peut être fier de l’initiative de la PNTL menée par le Commandant Jorge Monteiro et son équipe. Ils ont à coeur les intérêts du Timor et non pas la satisfaction d’une compagnie étrangère privée criminelle. Maintenant que M. Guterres s’est révélé dans les médias locaux, nous espérons que le président et le gouvernement du Timor Oriental, de concert avec la PNTL, mèneront une enquête approfondie, non seulement sur les agissements de la flotte de Hong Long, mais aussi sur les motivations et les allégeances de M. Guterres, car il apparait clairement qu’il n’agit pas dans l’intérêt national dans ce cas. Cette affaire est criminelle, non administrative, et devrait être prise en charge par un procureur. Nous faisons confiance au procureur pour rendre justice au peuple du Timor Oriental.

Sea Shepherd est en train de constituer un rapport complet sur les activités de cette flotte ainsi que sur une autre flotte à laquelle M. Guterres a également vendu une licence. Les bateaux de la deuxième licence ont été observés par Sea Shepherd dans la même zone, à 150 km au sud du Timor, utilisant des filets dérivants illégaux. La loi internationale sur les filets dérivants fixe leur longueur maximum à 2,5 km, pourtant Sea Shepherd a des preuves, transmises à la PNTL, indiquant que ces bateaux utilisaient des filets de plus de 10 km.

Le rapport sera envoyé à tous les pays concernés et aux organismes d’application de la loi, y compris Interpol. Sea Shepherd en appellera de nouveau à l’assistance du gouvernement chinois pour amener ces entreprises devant la justice. Dans ces deux cas, il s’agit d’entreprises privées criminelles qui salissent inutilement la Chine aux yeux du monde, avec pour seule motivation le profit de leurs actionnaires. L’année dernière, Sea Shepherd a découvert une flotte illégale de six bateaux à filets dérivants dans l’Océan Indien et en a informé le bureau chinois des pêches, qui a pris des mesures efficaces. La Chine prend très au sérieux les crimes de pêche INN (illicite, non déclarée, non réglementée) et nous espérons qu’elle en fera de même cette fois.

Le Timor Oriental possède l’un des plus hauts niveaux de biodiversité marine de la planète, une ressource préservée qui, si elle est correctement gérée, apportera des millions de dollars à l’économie locale. Le Dr. José Ramos-Horta, qui promouvait récemment l’éco-tourisme à Singapour, fait partie de ceux qui en ont conscience. Interrogé sur les flottes étrangères qui pillent les eaux locales, l’ancien Premier Ministre a déclaré : « Les activités étrangères de pêche commerciale, peu scrupuleuses, doivent disparaitre du Timor Oriental. Nous devons protéger nos ressources naturelles, c’est un outrage« .

L’Ocean Warrior surveillant la flotte de pêche au Timor Oriental. Photo Gary Stokes/Sea Shepherd

Afin de connaître l’historique de cette affaire, nous vous invitons à également consulter l’article du 15 septembre 2017.