Une nappe de pétrole et des débris organiques issus de saumons morts de fermes piscicoles contaminent une réserve de biosphère de l’UNESCO jusque-là intacte.
Clayoquot Sound, 21 novembre 2019. L’équipage de Sea Shepherd est à flot pour rendre compte d’une mort massive de saumons dans la baie Clayoquot Sound, bras de mer inscrit au titre de Réserve mondiale de biosphère par l’UNESCO. La séquence vidéo révèle la présence de milliers de poissons morts, en décomposition, en train d’être chargés sur des barges sur les sites d’aquaculture, tandis que des équipes travaillent jour et nuit pour nettoyer les dégâts. Une nappe de pétrole s’est infiltrée dans les eaux du cirque de Herbet et dans l’estuaire du fleuve Moyeha sur la côte ouest de l’île de Vancouver, signe que le poisson se décompose dans les enclos depuis des semaines.
“Au rythme auquel les équipes de Cermaq travaillent, les ravages se comptent en centaines de milliers de poissons, peut-être un million, répartis sur plusieurs sites d’élevage. L’entreprise semble minimiser l’hécatombe et l’ampleur de l’urgence n’est pas encore bien appréhendée”, explique Locky Maclean, Directeur des opérations en mer de Sea Shepherd, “cette zone a été désignée d’importance universelle par l’UNESCO. Le gouvernement canadien a la responsabilité de s’assurer que l’eau qui coule dans ce détroit soit propre et en bonne santé, de la haute mer jusqu’aux bras de mer et dans les fleuves. La seule solution valable à long terme est de supprimer les fermes piscicoles et, pour le ministre de la pêche, de veiller à leur démantèlement dans les meilleurs délais.”
Les parcs à poissons appartiennent à Cermaq, une compagnie détenue par Mitsubishi et qui produit du saumon Atlantique. Ils sont situés à côté de Binns Island et de Bawden Point dans les territoires des Premières Nations Ahousat, au nord de Tofino, dans la baie de Clayoquot Sound. En réaction à la vidéo filmée par un drone de Sea Shepherd, l’entreprise a fini par admettre que plus de 130 000 poissons étaient morts. Le 15 novembre, Cermaq avait initialement publié un communiqué minimisant le désastre, affirmant qu’un taux de mortalité mineur avait été relevé suite à une prolifération d’algues, après que des membres du groupe local Clayoquot Action eurent signalé que plusieurs camions chargés de poissons morts quittaient les installations de Cermaq en pleine nuit. Le fleuve Moyeha est situé dans le Parc provincial Strathcona et les observations y montrent des niveaux historiquement bas de retours de saumons sauvages ces dernières années.
Alexandra Morton, biologiste indépendante, a confirmé la présence de Piscine Orthoreovirus, un virus de Norvège qui semble provoquer une jaunisse chez les saumons d’élevage. “Ni les saumons d’élevage ni les saumons sauvages ne survivent à ces modes de production sales et bas de gamme. Il est temps de déplacer cette industrie dans des bassins fermés”, affirme la biologiste.
Des niveaux alarmants de poux de mer frappent les opérateurs de fermes piscicoles sur la côte ouest de Vancouver Island. Des emails gouvernementaux internes révèlent que l’invasion de poux de mer est hors de contrôle, bien que Cermaq utilise un appareil conçu sur mesure, le “Hydro-licer”, pour débarrasser les poissons de leurs poux dans les parcs. Parmi les habitants des environs, l’homme d’affaire Len John, membre des Premières Nations Ahousat et gérant de Keltsmaht Enterprise, dédiée au tourisme d’observation des baleines, a déclaré : “En tentant de contrôler les poux, Cermaq tue ses propres poissons avec l’Hydro-licer, car les poissons ne peuvent pas survivre au lavage haute-pressions qu’ils subissent dans la machine. Ils perdent des écailles et leur couche de protection visqueuse.”
L’été dernier, les membres des Premières Nations et des citoyens locaux ont défilé dans les rues de Tofino pour dénoncer 30 années de dévastation de l’environnement depuis l’installation de parcs à poissons par des entreprises d’élevage de saumon. L’opposition à l’élevage de saumon a pris une ampleur mondiale ces dernières années, alors que des personnes se battent pour sauver de l’extinction les dernières routes de frai de saumons sauvages.
