Jeudi 21 juin, l’Islande tua son premier rorqual commun depuis 2015, une espèce en voie de disparition ; l’équipage de Sea Shepherd était sur place pour couvrir les activités du baleinier “Hvalur 8“, qui le ramena à la station pour y être dépecé avant minuit et aux premières heures du vendredi 22 juin. En 1986, Sea Shepherd avait coulé la moitié de la flotte baleinière islandaise et interrompu pour 17 ans ses activités illégales de chasse à la baleine. Alors pourquoi ne pas recommencer ? – Commentaire du capitaine Paul Watson.

L’Islande tue illégalement le rorqual commun, une espèce menacée. C’est le seul pays au monde à le faire.

Les deux navires que nous avons coulés n’ont plus jamais chassé la baleine et sont maintenant échoués sur une plage, livrés à la rouille. Mais il en reste deux autres et il serait facile de les saborder. Il serait tout aussi simple de faire, de nos propres navires, blocus en haute mer à ces deux-là.

Nous en avons les moyens et en serions ravis. Mais nous ne le pouvons pas.

Non que cela soit tactiquement impossible.

Le problème est que, stratégiquement, cela serait inefficace.

Si nous voulions faire une tonne de publicité et appeler aux dons pour des épisodes de Justiciers des mers en Islande, je pense que nous pourrions obtenir du soutien.

Malheureusement, il y a un élément très important qui nous empêche d’agir ainsi.

En effet, c’est exactement ce que Kristjàn Loftsson, le propriétaire de cette horrible industrie, veut que nous fassions.

Depuis nos actions en 1986, l’opposition à la chasse à la baleine a grossi en Islande, passant d’un petit 2 % à 34 % et 3 1% restant sans opinion. Seulement 34 % soutiennent la chasse à la baleine, contre 98 % il y a 32 ans.

Ces 34% qui soutiennent la chasse à la baleine sont majoritairement des hommes âgés, peu éduqués. A mesure qu’ils meurent, les rangs des pro-chasses se rétrécissent.

Pas plus tard qu’en 2013, une enquête islandaise avait montré que 60 % des Islandais étaient favorables à la chasse à la baleine. Un passage de 60 % à 34 % en seulement cinq années témoigne d’un progrès incroyable et traduit une décroissance de la population âgée.

En de telles circonstances, une intervention de Sea Shepherd, en raison de l’élan nationaliste qu’elle occasionnerait, aurait pour effet de renforcer le soutien islandais à la chasse à la baleine.

En 1986, alors que la quasi-totalité (98 %) de la population islandaise soutenait la chasse, les baleines n’avaient rien à perdre, mais tout à gagner, d’une action physique directe contre les bateaux et la station baleinière.

La chasse commerciale illégale à la baleine, cessa pendant 17 ans et des milliers de baleines eurent la vie sauve.

Sans un seul blessé, deux baleiniers furent mis définitivement hors d’état de nuire et la station baleinière fut sérieusement endommagée.

Cet été, le quota islandais est fixé à 161 rorquals communs, auxquels le gouvernement islandais en a ajouté 30 autres à tuer, reportés du quota inutilisé de 2017. L’Islande a également un quota de 209 petits rorquals, mais n’a réussi à en tuer que 63 durant les deux dernières années. En 1986, en coulant la moitié de sa flotte, nous avons considérablement freiné ses opérations.

La chasse à la baleine n’est tout bonnement plus assez profitable pour motiver le remplacement des deux navires de Loftsson que nous avons neutralisés en 1986.

Ces massacres aujourd’hui sont illégaux et violent le moratoire international sur la chasse commerciale à la baleine mis en place par la Convention Baleinière Internationale.

À l’heure actuelle, l’Islande est plus célèbre en tant que nation baleinière que le Japon et la Norvège ; en effet, seule l’Islande cible le rorqual commun, espèce en voie de disparition. Sea Shepherd et la Cour internationale de justice ont mis fin à la chasse au rorqual commun au Japon.

En application du droit international, les États-Unis, l’Australie, l’Europe, tout comme d’autres membres de la CBI, pourraient demander des sanctions ; mais tous s’y sont refusés.

C’est pour répondre à la demande de 19 % d’Islandais et 12 % de touristes que le massacre se poursuit ; et, le nombre de touristes par an dépassant pratiquement le nombre d’Islandais, le tourisme est un moteur entretenant cette atrocité.

La principale raison pour laquelle Américains et Européens consomment de la viande de baleine est que cela est interdit sur leur territoire. Si les touristes cessent de vouloir consommer des repas à base de baleine par soif de sensations, le nombre des cétacés tués diminuera. 12 % des 300 000 touristes annuels représentent 36 000 individus consommateurs de viande de baleine qui s’adonnent à cette obscénité culinaire.

Kristjàn Loftsson constitue l’unique source de la survivance de cette activité barbare. Cet homme seul est responsable de la mise à mort de plus de 35 000 cétacés. La bonne nouvelle est que, dans quelques années, il sera mort et que la chasse commerciale à la baleine, on peut l’espérer, l’accompagnera.

Ce ne sera pas le cas si l’enthousiasme des Islandais pour la chasse à la baleine se réveille ; la seule raison pouvant conduire à cela serait l’intervention physique et spectaculaire d’un groupe étranger, comme la nôtre en 1986.

À présent que la chasse commerciale à la baleine est moribonde et que le tourisme d’observation de baleines est en plein essor en Islande, tout est déjà joué ; même si rien ne me plairait davantage que d’envoyer les deux derniers baleiniers par le fond, ce type d’intervention ne serait pas productif pour ceux que nous représentons.

Certes, nombreux sont ceux qui souhaitent que nous intervenions et qui m’ont dit avoir l’intention de soutenir financièrement toute campagne d’intervention. Je dois néanmoins accorder la priorité aux intérêts à long terme de ceux que nous représentons : les baleines.

Nous ne les avons pas abandonnés. Nos équipages sont présents en Islande ; ils observent et recueillent des informations. Les agissements illégaux de l’Islande ne passent pas inaperçus et nous poursuivons nos tentatives pour convaincre les nations membres de la CBI de demander des sanctions économiques. Nous vivons hélas dans un monde auquel les motivations économiques et politiques font défaut pour faire appliquer le droit international de préservation des espèces.

Personnellement, je peux confirmer qu’il est très dur pour nous de ne pas intervenir. Je désire ardemment neutraliser ces vaisseaux tueurs, comme tous les autres gardiens qui constituent Sea Shepherd. Mais nous devons inscrire notre action dans la stratégie d’ensemble.

En 1986, notre courageux équipage a fait ce qu’il fallait et obtenu de bons résultats. Mais l’environnement social a évolué depuis cette date. En 1986, le tueur de baleines Kristjàn Loftsson avait 43 ans… il en a 75 à présent. En 1986, notre Achab islandais était soutenu par 98 % de ses compatriotes. Ce soutien n’est aujourd’hui plus que de 34 %.

C’est le temps qui joue à présent pour nous. La mort de Loftsson sonnera celle de la chasse islandaise à la baleine. Loftsson a des fils ; mais il est bien peu probable qu’ils investissent dans de nouveaux bateaux et équipements.

La chasse à la baleine vit ses derniers instants ; nous pouvons espérer qu’ils soient brefs.

L’Islande est un pays à la beauté extraordinaire, aux habitants progressistes et aux programmes sociaux exemplaires. La seule ombre apparente au tableau de cette nation tout entière est celle des opérations délictueuses de chasse à la baleine, dont Kristjàn Loftsson souille le visage de l’identité nationale islandaise.[su_image_carousel source=”media: 1891,1892,1893″]