Communiqué de presse / 15 décembre 2025
Birds ByCatch : un massacre invisible
Des ONG poursuivent les autorités françaises pour leur incapacité à protéger les oiseaux marins.
ClientEarth, Sea Shepherd France et Défense des Milieux Aquatiques ont engagé une action en justice contre les autorités françaises pour leur manquement à la surveillance et la protection des oiseaux marins face aux activités de pêche, alors que plusieurs espèces sont au bord de l’extinction.
Chaque année, des dizaines de milliers d’oiseaux marins sont tués au large des côtes françaises à cause d’engins de pêche, capturés lors de pêcheries ciblant notamment le merlu, le bar et le thon. La France enregistre certains des niveaux de prises d’oiseaux marins les plus élevés d’Europe, touchant des espèces telles que le Puffin des Baléares, le Fou de Bassan et le Guillemot de Troïl - désormais considérées comme en danger critique d’extinction, quasi menacées et en danger selon la Liste rouge de l’UICN.
Aujourd’hui, les associations ont adressé une mise en demeure formelle aux autorités françaises, exigeant que les lois européennes visant à protéger les oiseaux marins soient correctement appliquées. Elles estiment que la France n’a pas mis en œuvre ses obligations de collecte des données ni les mesures pour réduire les captures - en infraction aux Directives « Oiseaux » et « Habitats », au règlement relatif aux mesures techniques, ainsi que d’autres obligations européennes en matière de collecte de données. Pourtant, des solutions sont connues et sont mises en place dans de nombreux pays, en particulier dans les régions australes.
Les représentants des associations déclarent :
« À l’heure actuelle, davantage d’oiseaux marins meurent dans les eaux françaises que presque partout ailleurs en Europe. Cette tragédie est totalement évitable, et pourtant les autorités françaises n’ont pas agi, y compris après que la Commission européenne les a interpellées sur cette question précise.
Il n’y a plus de temps à perdre : la France doit enfin prendre ses responsabilités et mettre en place les mesures de surveillance et d’atténuation que la loi – et la science – exigent. »
Les engins de pêche tels que les palangres, les filets maillants et les chaluts pélagiques – en particulier ceux ciblant le merlu, le bar et le thon – peuvent avoir un impact dévastateur sur les populations d’oiseaux marins. Cette catastrophe reste largement invisible, car la plupart des oiseaux marins noyés et rejetés coulent sans même s’échouer sur les côtes. Bien que les données existantes soient largement insuffisantes, des extrapolations scientifiques à partir des dispositifs de suivi disponibles indiquent que la France pourrait afficher les niveaux de captures d’oiseaux marins les plus élevés d’Europe (plusieurs dizaines de milliers d’oiseaux de mer par an, le guillemot de Troïl étant l’espèce la plus touchée).
Ces captures ont été identifiées comme une pression majeure – et dans certains cas, la principale pression – pesant sur la conservation de plusieurs espèces d’oiseaux marins.
Les associations appellent la France – deuxième plus grande zone économique exclusive au monde – à mettre en place en urgence des systèmes de surveillance efficaces, des mesures d’atténuation robustes et des plans concrets pour réduire la pression exercée sur les oiseaux marins menacés.
L’action en justice engagée aujourd’hui vient compléter une procédure d’infraction déjà ouverte par la Commission européenne contre la France pour des manquements similaires.
Notes de la rédaction
(1) Selon cette étude, les 10 pays présentant les estimations les plus élevées de captures accidentelles annuelles d’oiseaux marins sont : la France (34 603), la Pologne (21 300), le Portugal (19 775), l’Islande (18 996), l’Espagne (18 311), la Suède (17 743), l’Allemagne (17 551), la Norvège (16 413), le Royaume-Uni (8 592) et le Danemark (3 249).
NB : En raison du faible nombre d’oisillons - à raison d’un jeune par an pour le Guillemot de Troïl - la mortalité de 30000 individus a un impact beaucoup plus important sur leur population que d’autres espèces - telles que les mésanges ou les rouge-gorges (lesquelles font 12 jeunes par an)
(2) En juillet 2022, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France, la Bulgarie et l’Espagne concernant les captures accidentelles d’espèces protégées par les navires de pêche.
Lire le rapport de BirdLife Europe and Central Asia sur les solutions qui existent contre les prises d’oiseaux marins.
Témoignage d'un marin pêcheur concernant les captures d’oiseaux marins
(possibilité de mise en contact si besoin)
Ludovic (nom d’emprunt) explique son expérience de marin-pêcheur avec les captures d’oiseaux marins.
Par conviction, il n’a jamais pratiqué que la pêche à l’hameçon. C’est donc un ligneur pur.
“Au tout début de mon expérience de pêcheur, j’ai été confronté à deux épisodes de captures très nombreuses (plus de 50 oiseaux en une seule marée, Fous de bassan, mouettes et puffins) qui m’ont écœuré et obligé à réagir.
En jetant mes lignes appâtées après le lever du soleil, j’ai constaté que les oiseaux comprenaient que je jetais des sardines à l’eau et tentaient de s’en saisir. Les prises d’oiseaux étaient inévitables. C’est un vrai carnage qui m’a dégoûté.
Immédiatement, j’ai décidé de décaler mes horaires de pêche et d’immerger les lignes avant le lever du soleil, hors de vue des oiseaux marins.”
Cela suffit pour faire baisser drastiquement les captures, mais pas les annuler pour autant.
En effet, la profondeur où repose la ligne doit aussi être hors de portée de la profondeur maximale que l’oiseau est capable d’atteindre en plongée.
Ludovic a dû travailler ses réglages pour être sûr que tous ses hameçons soient déployés plus profondément pour annuler définitivement toute capture d’oiseau marin, notamment de puffin.
“Les filets de pêche fonctionnent sans appâts mais représentent une menace permanente pour les oiseaux marins en plongée. La meilleure façon d’éviter les captures est de pêcher à “la trempe” (alourdir les hameçons et les lignes pour les faire descendre plus profondément dans la mer) de nuit, puis de le relever avant le lever du jour, c’est-à-dire assez vite. Cette façon de faire évite toute capture d’oiseau et garantit que la chair des poissons capturés soit saine et non attaquée par des prédateurs comme les seiches. Cela permet de vendre toutes les captures, y compris les espèces fragiles (tacauds, vives).
À l’inverse, laisser les filets immergés plus longtemps aboutit à une grosse perte sur les poissons capturés (chair impropre) et - tous les jours - de nombreuses captures d’oiseaux. Paradoxalement, cette pratique contre-productive est devenue la règle.”
En effet, Ludovic note que depuis 30 ans, la diminution progressive des ressources a poussé les fileyeurs à augmenter les longueurs de filets mis à l’eau. Mais, faute de temps, certains fileyeurs peuvent laisser les filets 3 jours en mer. C’est le cas, par exemple, de filets dits à grande maille pour la lotte. Mais si la chair d’une lotte peut résister à cette pratique, ce n’est pas le cas du tacaud, du merlu, de la roussette et de beaucoup d’autres espèces qui sont tuées pour rien.
“Un cercle vicieux épouvantable est à l’œuvre qui raréfie les poissons, les espèces protégées et condamne la pêche de demain.”
Ludovic conclut : “Plus jeune, je surfais à côté des guillemots et passais sous la vague en même temps qu’eux, en “faisant le canard” en jargon de surfeur. Le spectacle des oiseaux était quotidien. Aujourd’hui, ce spectacle a disparu et les seuls oiseaux que je peux montrer à mes enfants sont quelques cadavres échoués sur les plages.”
Contacts :
Sea Shepherd France :
Lamya Essemlali (Présidente)
media@seashepherd.fr
Défense des milieux aquatiques (DMA) :
Philippe GARCIA (Président)
maigre42@gmail.com
07 82 46 99 03
ClientEarth :
Diane Vandesmet (Responsable Communication)
dvandesmet@clientearth.org
A propos des ONG :
Sea Shepherd France :
Fondée par Lamya Essemlali en 2006, Sea Shepherd France reste fidèle à l’ADN original de Sea Shepherd tel qu’établi par le capitaine Paul Watson en 1977. Notre mission est de lutter contre la destruction de la vie marine et de ses habitats dans leur ensemble. Nous utilisons des stratégies d’action directe innovantes pour défendre, conserver et protéger la fragile biodiversité de nos mers et océans, et pour faire respecter les lois internationales de conservation, qui sont trop souvent ignorées. Nos campagnes se concentrent sur la protection des espèces marines contre le braconnage, la pêche non durable, la destruction des habitats et la captivité. L’indépendance, le courage, l’imagination et la combativité non violente sont notre credo.
Défense des Milieux Aquatiques (DMA) :
Créée en 2017, est née de la prise de conscience de la désertification spectaculaire des eaux côtières du Médoc en Gironde (France). Reconnue d’intérêt général dès sa création et agrée pour la protection de l’environnement au niveau national depuis 2024, l’association utilise le droit comme levier pour défendre tous les écosystèmes aquatiques (rivières, estuaires, zones littorales et milieux marins) ainsi que les espèces qui en dépendent, comme les saumons, les dauphins ou les anguilles.
ClientEarth :
ClientEarth est une organisation à but non lucratif qui utilise le droit pour créer des changements systémiques visant à protéger la planète pour – et avec – ses habitants. Nous luttons contre le changement climatique, protégeons la nature et combattons la pollution, aux côtés de partenaires et de citoyens dans le monde entier. Nous tenons les entreprises et les gouvernements responsables et défendons le droit de chacun à un environnement sain.
Les équipes de ClientEarth en Europe, en Asie et aux États-Unis travaillent à façonner, mettre en œuvre et faire respecter le droit afin de construire un avenir dans lequel les personnes et la nature peuvent prospérer ensemble.
