Un énorme MERCI à toutes celles et ceux qui nous envoient des encouragements et des mots de soutien, ils nous vont droit au cœur et soutiennent le moral de nos équipes mobilisées auprès du beluga depuis plusieurs jours. Quelques éclairages cependant nous paraissent nécessaires, au regard de certains commentaires de personnes qui suivent tout ce qui se passe de loin et qui ont des jugements tranchés et parfois injustes sur la situation.
Ceux qui pensent qu’on devrait se passer des autorisations : il n’y a pas de problème d’autorisation, les services de l’État et la sous-préfète de l’Eure est disposée à faire tout ce qu’il faut dans l’intérêt de l’animal.
Ceux qui pensent qu’il suffit de l’endormir et de l’amener en mer : les dauphins ont une respiration consciente. Il cesserait donc de respirer et mourrait.
Ceux qui pensent qu’il suffit d’ouvrir l’écluse et “le laisser regagner la mer” : ce serait une solution simple mais il est à plus de 150 km de l’estuaire, doit passer encore une écluse, est dans une condition physique dégradée et avait jusqu’ici plutôt tendance à se diriger vers Paris que vers la mer. Le “driver” avec les bateaux de Sea Shepherd a été envisagé mais le risque de le perdre est trop grand vu la distance à la mer et la capacité du béluga à disparaitre rapidement sous l’eau avec le risque qu’il se dirige vers Paris…
A ceux qui pensent qu’il faudrait cesser l’acharnement thérapeutique et euthanasier l’animal : nous avons consulté des experts des bélugas au Québec qui travaillent avec l’espèce depuis des décennies, les vidéos, photos et descriptions comportementales de l’animal, et leur avis est clair : toute décision d’euthanasie serait prématurée.
A ceux qui pensent qu’il aurait fallu le sortir immédiatement et l’emmener au large : oui cela se fait régulièrement dans l’industrie de la captivité notamment à Taiji au Japon où les captures en milieu naturel sont malheureusement encore autorisées. Mais le taux de mortalité est très important. Le niveau de stress sur un animal affaibli est à prendre en considération car le risque qu’il ne survive pas au transport est réel. Il a fallu peser le pour et le contre et surtout faire avec toutes les contraintes logistiques liées à l’emplacement de l’écluse, à la température en plein mois d’Aout, et surtout déterminer si un relâché en mer devait se faire immédiatement ou si un passage dans un bassin salé pour prodiguer des soins était préférable.
Avec toutes les incertitudes qui entourent ce cas complexe, un arbitrage au mieux de l’intérêt de l’animal a du se faire en mobilisant le plus rapidement possible des compétences très différentes, en France et à l’international, sachant que notre pays n’est absolument pas prêt à gérer et à accueillir des cétacés sauvages, nécessitant des soins.
Parmi les questions essentielles : le mal dont est atteint le béluga et qui est à l’origine de sa perte d’appétit est-il curable ou irréversible ? Un séjour en soins lui serait-il bénéfique ou complètement inutile ?
Survivrait-il à un transport ? Quelle structure en eau salée et sécurisée est-il possible de trouver en urgence pour lui avec toutes les contraintes liées aux activités portuaires existantes ? Quels soins, tests, analyses sommes-nous en mesure de lui prodiguer rapidement pour juger au mieux de son état et prendre les meilleures décisions pour lui ?
Toutes ces questions et le parcours d’obstacles que le grand public ne soupçonne pas (obstacles surtout dus à la somme des inconnues et aux difficultés logistiques) qu’il a fallu franchir en un temps record pour une situation encore très inédite en France et à laquelle personne n’est préparé.
Des choix ont été faits, en analysant avec soin le rapport bénéfice-risque pour l’animal, en ayant toujours pour unique curseur, son intérêt. Aucune économie d’énergie, de temps ni de sommeil n’a été faite. Nous avons pu collaborer avec des institutions très différentes dont certaines avec lesquelles nous sommes habituellement en opposition (delphinariums par exemple). Tout a été fait dans l’objectif prioritaire de faire ce qu’il y avait de mieux pour cet animal et une collaboration aussi inédite que l’est la situation a pu se mettre en place. Quelle que soit l’issue de cette incroyable expérience, que nous espérons de tout cœur heureuse, tout aura été fait pour donner à ce béluga un maximum de chances. Ce à quoi Sedna n’a pas eu droit, ce beluga l’a eu. Et beaucoup d’enseignements sont déjà tirés de tout ceci. Cela servira les prochains cas. La France devra se hisser à la hauteur de pays comme les Etats-Unis dans l’accueil de cétacés en détresse et disposer d’un protocole d’urgence déjà prêt avec un réseau d’acteurs variés et complémentaires qui sauront s’unir, quitte à mettre temporairement de côté leurs divergences, pour secourir un maximum de cétacés.
Aujourd’hui est un grand jour pour ce béluga et pour toutes les personnes impliquées dans son sauvetage. Il sera sorti de l’eau et acheminé vers un bassin d’eau salée où il sera placé sous surveillance et bénéficiera de soins, en espérant que son mal est curable. Il sera ensuite relâché en mer, avec on l’espère, les meilleures chances de survie.
Encore merci à tous pour votre soutien, merci à nos bénévoles qui se sont mobilisés en un temps record et qui restent aux côtés du béluga depuis des jours et merci à toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans ce sauvetage