Orque retrouvée morte par nos équipes le 30 mai 2022

Les vétérinaires qui ont procédé à l’autopsie n’ont pas encore donné l’information mais nous pensons que contrairement à ce qui était dit depuis le début par le GECC Mammifères Marins que l’État a consulté sur le sujet, l’orque perdue dans la Seine était une femelle et non d’un mâle.

Nous sommes amers de constater que tous les spécialistes des orques sauvages français et internationaux que nous avons consultés disent la même chose : une opération de guidage de l’orque vers la mer aurait dû être lancée dans les heures qui ont suivi les premiers signalements dans la Seine. L’urgence était bien d’éviter à tout prix qu’elle ne s’enfonce dans les terres et de la sortir de l’eau douce, bruyante et polluée de la Seine. Nous sommes donc très loin de l’analyse des “spécialistes” locaux consultés par l’État sur ce dossier.  En effet, le 25 mai, alors que l’orque était dans la Seine depuis déjà une dizaine de jours et à 80 km de la mer (!!), Delphine Eloi, directrice du GECC déclarait sur BFM TV qu’il s’agit peut-être d’« d’un jeune mâle qui serait venu dans des eaux plus calmes pour se nourrir ».

Nous ne sommes pas des spécialistes des orques en perdition et nous n’avons jamais eu cette prétention. Mais il ne nous a fallu que quelques heures pour trouver les meilleurs experts mondiaux. C’est eux qu’il aurait fallu mobiliser et le GECC qui avait l’oreille de l’État aurait dû avoir l’humilité de le faire, puisque de toute évidence, ils ne sont pas compétents.

Par ailleurs, il est confortable de dire aujourd’hui que l’orque était condamnée et qu’elle est morte « de cause naturelles » comme on peut le lire dans les médias et comme c’est allègrement relayé par certaines associations qui ont suivi tout ça de loin. RIEN ne permet de l’affirmer. Si elle était bien malade, il n’est pas possible de savoir avec certitude si elle était malade ou non avant d’entrer dans la Seine, où l’eau polluée et bruyante l’a sans doute achevée. Il n’est pas non plus possible d’affirmer qu’elle a été exclue de son groupe. Les orques montrent à l’état sauvage des comportement extrêmement solidaires, d’entraide et de secours envers les plus faibles des leurs. En Colombie Britannique, une femelle a porté pendant des jours le cadavre de son petit sur son dos, relayée par les autres membres du groupe afin qu’elle puisse se nourrir. Lorsqu’ils sont traqués pour être capturés et être envoyés vers des delphinariums, ils s’entraident quitte à se mettre en péril pour aider l’un des leurs à échapper à leurs poursuivant (très bien documenté dans le documentaire Blackfish).

Orque vue entre le Pont de Normandie et le Pont de Tancarville le 21 mai 2022

Plutôt qu’une exclusion, il est donc tout à fait possible que l’orque ait été séparée de son groupe de manière accidentelle, la Manche est une mer cacophonique, le trafic maritime y est intense, un chantier d’usines éoliennes en mer est en construction à Courseulles-sur mer. Or, on sait que le bruit désoriente les cétacés et perturbe leur écholocation. Une fois seule, elle a pu avoir plus de mal à se nourrir puisque les orques chassent (et vivent) en groupe, ce qui pourrait expliquer sa maigreur. Par ailleurs, il s’agissait d’une jeune orque, donc peut-être encore dépendante de sa mère pour l’aider à se nourrir. Dans tous les cas, sur les premiers clichés qui ont été pris, si on voit clairement qu’elle est amaigrie (peanut head), on ne peut en aucun cas en déduire qu’elle est déjà malade. Affaiblie, seule et dans un environnement très bruyant, elle a pu entrer par erreur dans la Seine. On connait la suite….

Par ailleurs, une autre orque, un mâle cette fois ci a été repérée seule début avril dans la même zone. Deux orques isolées dans le même intervalle de temps et dans la même zone, cela pose nécessairement question et une enquête devrait être menée sur ce qui a pu amener ces orques à être séparées de leur groupe.

Ce ne sont que des hypothèses. Mais elles ne sont pas moins plausibles que celles qui consistent à dire qu’elle a été exclue de son groupe car malade et déjà condamnée.  Certes, nos hypothèses sont moins confortables pour nous tous, qui n’avons pas agi comme nous aurions dû le faire. Un peu d’humilité sur toute cette histoire ferait le plus grand bien à chacun et particulièrement à ceux qui ont usurpé une place de spécialiste et qui n’ont pas su demander conseil ailleurs. Ces personnes doivent faire leur auto-critique, or on ne voit rien de tel. Nous faisons aussi la nôtre. Nous aurions dû être plus attentifs et contacter l’État plus tôt sans présumer que ce dernier était déjà entouré des personnes aux compétences nécessaires pour prendre les bonnes décisions.

Nous allons travailler avec les spécialistes internationaux avec lesquels nous avons pris attache pour mettre en place un protocole d’urgence à déclencher en cas d’incursion de cétacé en eau douce et nous aurons à cœur si cela se produit, d’être inclus dès le départ. Puisque personne n’a été à la hauteur cette fois-ci, faisons au moins en sorte que cette orque ne soit pas morte pour rien.

Merci à toutes et tous pour vos nombreux messages de soutien.

Lamya ESSEMLALI

Présidente de Sea Shepherd France

Pour plus de détails sur le déroulement des faits, consulter notre rapport ici