Malgré les nombreuses alertes des scientifiques et la mobilisation des ONGs, les captures de dauphins par les engins de pêche dans le golfe de Gascogne se maintiennent à un niveau alarmant, incompatible avec la survie à long terme de la population, malgré son statut d’espèce protégée. Cette semaine, le navire de Sea Shepherd Age Of Union (anciennement Sam Simon) est de retour dans le golfe de Gascogne. Le Semi-rigide Clémentine est également mobilisé. Cette année, nos navires ne se concentreront pas uniquement sur la pêche côtière. Les navires-usines (super-trawlers) qui pêchent bien plus au large feront également l’objet d’observations.

« Le but de cette mission est d’aborder la problématique dans son ensemble et de mettre chaque pratique de pêche face à ses responsabilités »

Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France.

Des records de captures depuis 2016, qui condamnent la population à moyen terme

Depuis 2016, chaque année bat le record de l’année précédente en termes de captures jusqu’à dépasser les 10 000 individus. La seule année 2021 fait figure d’exception avec des échouages largement au-dessus du seuil de survie de l’espèce, mais sans augmentation par rapport à 2020. On ne peut malheureusement en tirer aucune conclusion quant au nombre avéré de captures en mer, tant les conditions météorologiques l’hiver dernier n’étaient pas propices aux échouages avec des vents poussant vers le large plusieurs semaines d’affilée comme ont pu le contacter nos équipes qui patrouillent sur les plages quotidiennement à cette période.

Des centaines de navires de pêche côtière dont les captures ne sont pas assez sélectives

Depuis 2018, Sea Shepherd documente les captures des dauphins dans le golfe de Gascogne par les navires côtiers. Même de « petite taille », ces derniers, dus à leur grand nombre, capturent des milliers de dauphins chaque année. Parmi ces navires, les fileyeurs sont les plus nombreux (plusieurs centaines), mais les chalutiers qui pêchent par paire, même équipés des fameux « pingers » (répulsifs acoustiques), sont filmés chaque année par nos équipes avec des dauphins piégés dans leur chalut. Connu pour être particulièrement meurtrier sur les dauphins, le chalutage par paire a été banni dans plusieurs pays dont le Royaume-Uni en 2007, précisément pour préserver les espèces protégées. La France de son côté s’entête à maintenir des méthodes de pêche non durables et cela malgré l’hécatombe de dauphins dans ses eaux. Leur sort tragique donne une visibilité sans précédent au problème très sous-estimé de la sélectivité des engins de pêche qui réduit à néant tout effort de protection des espèces menacées. 

Des dauphins bien plus près des côtes : la faute aux navires-usines qui les affament ?

Il est incontestable que les dauphins sont aujourd’hui beaucoup plus observés près des côtes qu’au large, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années. Contrairement à ce que certains pêcheurs sont enclins à penser, il ne s’agit pas d’une augmentation de la population de dauphins, mais d’un déplacement. Les navires-usines pêchent de façon intensive sur le talus continental et capturent en masse les poissons qui sont habituellement les proies des dauphins. Parmi les hypothèses pouvant expliquer le déplacement des dauphins vers les côtes, se trouve donc la raréfaction de la nourriture. La difficulté croissante pour les dauphins à se nourrir en raison en raison de la surpêche est un vrai sujet de préoccupation.

Ainsi, entre 2012 et 2016, 9,7 % des dauphins communs nécropsiés sont morts de faim au Royaume-Uni. (Deaville, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, sous presse ; Deaville & Jepson, 2011a)
En Irlande, un programme récent de nécropsie des échouages de cétacés a révélé que la famine/hypothermie était la cause de la mort de 21 % des dauphins communs nécropsiés pour la période de juin à novembre 2017 (Levesque et al.)

« Nous manquons cruellement d’approche éco-systémique et nous oublions que dans l’océan, ces poissons que nous ciblons pour notre consommation représentent une nourriture vitale pour les prédateurs marins, notamment les dauphins.  

Les quotas de pêche doivent être fixés en tenant compte des besoins des prédateurs marins au sein de l’écosystème en question et non comme s’il s’agissait d’un super marché à l’usage exclusif des humains. »

Lamya Essemlali

Les revendications de Sea Shepherd

La principale problématique de la pêche est d’une part, ses capacités de capture insoutenables pour l’écosystème marin et d’autre part son manque de sélectivité dont il n’existe aucun équivalent à terre. L’opacité sur les pratiques de pêche due à la nature du milieu peu accessible et à un laxisme certain dans la loi et dans les contrôles, rendent la juste mesure de l’enjeu encore plus difficile à appréhender, particulièrement pour le grand public qu’il est fondamental de sensibiliser au sujet.

Sea Shepherd demande :

  • – les fermetures spatio-temporelles (ou temps de repos biologique) aux engins de pêche qui capturent des dauphins demandées par les scientifiques
  • – l’installation de caméras embarquées qui transmettent en temps réel la nature des captures, comme c’est déjà largement pratiqué en Australie notamment et à terme l’interdiction des méthodes non sélectives sur les aires de répartition des espèces protégées.
  • – Il est également urgent de bannir au plus vite les méthodes de pêche déjà largement identifiées comme particulièrement meurtrières pour les espèces protégées, comme les chalutiers qui pêchent par paire.
  • – Enfin, il convient d’adopter une approche éco-systémique et non une gestion cloisonnée, espèce par espèce, par le biais de quotas basés sur un système de RMD (Rendement Maximum Durable) complètement dépassé et inadapté à la réalité du fonctionnement de l’océan et aux intrications multiples au sein du réseau trophique marin.

« Il convient de rappeler que l’océan n’est pas la propriété privée de ceux qui l’exploitent et de sa préservation dépend la survie de l’humanité puisqu’il s’agit du premier organe de régulation du climat et du premier producteur d’oxygène. Les États ont une responsabilité en tant que garants de ce patrimoine commun. L’État français sans doute plus que les autres, puisque nous avons la chance de disposer du plus grand littoral d’Europe. Un fait qui devrait nous inciter à être exemplaires, force est de constater que nous en sommes très loin. »

Lamya Essemlali

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