Réponse de Lamya Essemlali à la vétérinaire Florence Ollivet-Courtois

Suite à la décision du Conseil d’Etat de mettre en place des fermetures spatio-temporelles pour les métiers concernés par les captures de dauphins (fileyeurs et chalutiers) sur des zones et des périodes qui restent à déterminer, en concertation avec les pêcheurs et les scientifiques, certaines voix s’élèvent pour mettre en doute l’ampleur de l’impact de la pêche sur la mortalité des dauphins. Que ces voix se retrouvent au sein des comités des pêches qui depuis des années cultivent le déni, n’est guère une surprise. Mais la négation de l’évidence devient ubuesque lorsqu’elle émane de vétérinaires comme Madame Florence Ollivet-Courtois. Dans une dépêche AFP parue vendredi 7 avril, cette vétérinaire « faune sauvage et exotique » spécilaiste de la faune captive, cherche à minimiser la responsabilité de la pêche dans la mortalité sans précédent des dauphins, sans pour autant donner le moindre début d’argument factuel et alors que le consensus scientifique international sur l’impact de la pêche sur les mammifères marins est sans appel. Nous recommandons la lecture de quelques-unes de ces études (en fin d’article) à Madame Ollivet-Courtois.

Sur cette dépêche, on peut ainsi lire :

« Pour Florence Ollivet-Courtois, vétérinaire qui a travaillé avec l’observatoire sur un béluga égaré dans la Seine en 2022, ce dernier gagnerait à mieux dialoguer avec les pêcheurs, comme dans d’autres pays. La collecte de données “est extrêmement polluée par le militantisme et par un traitement non-scientifique”, juge cette colonelle des sapeurs-pompiers de l’Essonne. »

Sur quoi se base Madame Ollivet-Courtois pour jeter ainsi le discrédit sur le travail des scientifiques qui exercent dans un domaine pour lequel elle n’a absolument aucune compétence ? N’est-elle pas ici en train de régler des comptes personnels ? Elle n’a en effet jamais fait mystère du peu de respect et de considération qu’elle a envers les associations animalistes et environnementalistes qu’elle considère sans discernement comme des incompétents illégitimes, dont le positionnement est biaisé par la sensiblerie. Et pourtant, factuellement, quelle est la compréhension de Madame Ollivet-Courtois du milieu de la pêche et des interactions des mammifères marins avec les engins de pêche ? Elle émet ici un avis personnel et partisan (ce qui est son droit) mais elle avance sous la casquette vétérinaire, pour lui donner une crédibilité factice. En faisant cela, c’est bien elle qui vient polluer le débat.

La vérité est que Pélagis n’a pas une once de militantisme dans son approche, nous sommes bien placés pour le savoir. Non pas que le militantisme nuise forcément à la science d’ailleurs. On voit bien que la France tient viscéralement science et militantisme en opposition, là où les scientifiques anglo-saxons assument bien plus facilement une fibre militante et une empathie pour le vivant sans que cela ne nuise à leur crédibilité et tout en se maintenant à l’avant-garde des avancées scientifiques mondiales.

Loin de « faire le jeu des ONGs », Pélagis s’inscrit au contraire, dans une volonté de conciliation qui frise selon nous la compromission, comme lorsqu’ils retiennent des images particulièrement choquantes de dauphins tués par les engins de pêche. Des photos montrant plusieurs dauphins pris dans un seul trait de chalut n’ont pas été publiées pendant des années (photo d’illustration). Nous avons eu en notre possession des photos d’une femelle gestante capturée alors qu’elle était à quelques heures de mettre bas. Ce genre de photos ne sont détenues que par Pélagis. Elles sont si choquantes qu’elles auraient un effet horrifiant sur le grand public qui n’y a de facto, jamais accès. La proportion de femelles gestantes et lactantes tuées par les engins de pêche est bien plus importante que l’on ne peut l’imaginer et cela porte à trois dauphins tués, la capture d’un seul individu (la mère, le petit qu’elle porte et le petit qu’elle nourrit). Qui en parle ? Qui en a conscience ?

Pour notre part, cet hiver en 18 sorties en mer, nous avons filmé 19 dauphins capturés par des bateaux entre 10 et 20 mètres (fileyeurs et chalutiers). 19 dauphins en 18 sorties !!! Et nous n’avons qu’un semi-rigide capable de filmer un navire de pêche à la fois, quand ils sont des centaines à pêcher dans le golfe de Gascogne au même moment. Des dauphins tous en pleine forme physique, dans la force de l’âge…

Il est reconnu par un consensus scientifique international que la pêche est aujourd’hui la première cause de mortalité des mammifères marins et la première menace sur leur survie. Dans le même temps, le manque de visibilité et de déclarations de captures empêche une évaluation précise de la mortalité. Le golfe de Gascogne n’est pas un cas unique. Madame Ollivet-Courtois va-t-elle qualifier d’incompétents influencés par les ONGs tous les auteurs de ces études, parmi lesquels on retrouve des organisations scientifiques internationales des Nations Unies, la NOAA et pléthore d’universités prestigieuses outre-manche et outre-atlantique. Ont-ils des leçons de science à recevoir de Madame Ollivet-Courtois ?

Des pêcheurs avec qui nous échangeons et qui ne sont eux, pas dans le déni, admettent volontiers que les captures sont beaucoup trop importantes, pour en avoir fait eux-mêmes. Ils dénoncent les mauvais usages de certains engins, aux mauvais endroits, aux mauvaises périodes. Un fileyeur de 12 mètres nous a avoué avoir capturé jusqu’à 10 marsouins en une relevée de filet jusqu’à ce qu’il décide de lui-même de changer sa pratique. Depuis, il n’en capture plus. Avec des pêcheurs comme lui et comme d’autres, qui veulent trouver des solutions, on peut avancer.

Nous avons déjà perdu de nombreuses et précieuses années en raison du déni et la bataille des chiffres est un faux combat. 10 000 dauphins tués en moyenne chaque année par la pêche ou 2000 de moins, là n’est pas le sujet. Le fait est que ces captures sont intenables pour la survie de la population et inacceptables éthiquement.

Ainsi des vétérinaires qui ne sont nullement spécialistes du milieu marin et des dynamiques des populations marines et de leurs interactions avec la pêche, qui se permettent de remettre en question la parole de scientifiques dont c’est le domaine, et de fustiger gratuitement les ONGs, pour des raisons personnelles et dogmatiques, ne font nullement avancer les choses, au contraire. Merci à chacun(e) de s’en tenir à son registre de compétence et surtout, d’éviter d’utiliser sa carte de vétérinaire pour donner du poids à ses opinions personnelles.

Article auquel nous répondons : https://fr.news.yahoo.com/autour-dauphins-échoués…

Un minuscule échantillon des nombreuses études sur l’impact mortel et insoutenable de la pêche sur les mammifères marins au niveau mondial :

Crédit photo : Pélagis.