Il peut y avoir de la joie en prison, en réalité une variété de joies rendues d’autant plus intenses par le contexte d’incarcération, où la solitude et l’isolement pèsent sur l’âme comme un sombre linceul d’incertitude.

Ma plus grande joie arrive chaque dimanche à 16h00, lorsque j’ai le droit à un appel vidéo de dix minutes avec ma femme Yana et nos deux fils, Tiger (8 ans) et Murtagh (3 ans). Les sourires de mes enfants ravivent mon cœur pour les sept jours suivants. Cela fait plus de trois mois que je ne les ai pas étreints, et mon désir de les serrer de nouveau dans mes bras, de les emmener à la plage, de regarder Tiger jouer aux échecs et de construire des Lego avec Murtagh, me donne la force motivante pour affronter chaque jour.

Une autre joie précieuse, ce sont les visites de nombreux amis merveilleux dans cette prison nordique isolée. Des amis qui ont fait le long voyage depuis la France, le Brésil, l’Écosse, le Canada et les États-Unis.

Rod Marining, un cofondateur de Greenpeace depuis les débuts en 1972, a passé sept jours à dormir dans les aéroports à cause de vols retardés au Danemark, en Islande et au nord du Groenland. Il est venu de la côte ouest du Canada pour me rendre une brève visite.

Nathalie Gil, la présidente de Sea Shepherd Brésil, a entrepris un voyage épique depuis le Brésil pour me rendre visite et assister à mon audience. Nathalie a apporté avec elle le soutien du président Lula du Brésil ainsi que de nombreux environnementalistes brésiliens, y compris le chef Raoni de la nation Kayapo en Amazonie. Tant de petites étincelles de joie venues de l’hémisphère sud pour lesquelles je suis immensément reconnaissant.

La merveilleuse marraine de mon fils, Clémentine Pallanca, est venue de New York, et ma très chère amie de longue date, Lavinia Currier, a pris l’avion depuis la Virginie pour me rendre visite.

Omar Todd et Rob Read de la Fondation Capitaine Paul Watson sont également venus à la prison, tout comme Kylie Herd, l’une de mes équipières australiennes de 2002, qui a voyagé depuis Perth pour me voir.

Joie ode Paul Watson

Crédit photo : Mikaël Vojinovic

Toutes ces visites ont été d’un grand réconfort. Mais les visites les plus inspirantes de toutes ont été celles de la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, qui s’est rendue à Nuuk, au Groenland, à quatre reprises pour me voir et assister à toutes mes audiences, apportant avec elle le soutien du président Emmanuel Macron et de milliers de membres et sympathisants de Sea Shepherd France. De plus, c’est elle qui a organisé mon équipe juridique très compétente au Danemark et en France. Sans les efforts inlassables de Lamya, je crains que mon avenir ne soit bien sombre face à une procureure danoise hostile, face aux exigences incessantes et déraisonnables du gouvernement japonais pour m’extrader sur la base d’une fausse accusation pour un délit mineur datant de 14 ans. Ces visites n’ont pas été faciles pour elle, avec une fille de 8 ans à la maison et ses responsabilités dans les campagnes en cours de Sea Shepherd France.

La semaine dernière, j’ai eu la joie de recevoir un email à la prison de la part de quelqu’un que j’admire énormément, la Dr. Jane Goodall.

Et les lettres ont été extraordinaires. Plus de 2 500 lettres provenant de plus de 40 pays m’ont été remises ici, derrière ces murs de prison. Des poèmes, des cartes, des dessins de baleines faits par des enfants, des objets artisanaux et des œuvres d’art. Lire et m’efforcer de répondre à ces messages tant appréciés m’occupe chaque jour.

Chaque poème, chaque dessin de baleine envoyé par des enfants des quatre coins de l’océan, livré ici derrière ces murs, déclenche une tempête d’espoir qui gonfle mes voiles. Libérant un tsunami d’émotion à travers cet écran bleu, j’entends leur appel. Depuis la fenêtre de ma cellule, j’ai une vue panoramique sur le fjord et les montagnes, et parfois, au milieu des blocs de glace flottants, j’aperçois le souffle ou la queue d’une baleine à bosse, me rappelant combien je suis fier d’être un prisonnier de conscience dans cette prison sur la côte glacée du Groenland.

Le soir, quand j’observe la danse envoûtante des aurores boréales au-dessus du fjord et des montagnes, je ressens la chaleur et la loyauté de centaines d’amis et de milliers de soutiens, et les baleines me rappellent pourquoi je suis ici, derrière ces barreaux. Le mot, qui résume le mieux ce que je ce que je ressens, est la joie.

Capitaine Paul Watson