Capitaine Watson Paul Watson Misogyne raciste héros malthusien

Depuis son arrestation le 21 juillet au Groenland, Paul Watson fait beaucoup parler de lui. Une importante mobilisation s’est mise en place pour exiger sa libération et empêcher son extradition vers le Japon. Parmi les très nombreuses voix qui défendent sa cause, d’autres, parfois au sein même de certaines associations écologistes, trouvent pertinent de diffuser les pires accusations à son encontre et lui refusent tout soutien. Certaines, ont par exemple refusé notre invitation au rassemblement du 4 septembre Place de la République à Paris au prétexte que Paul serait « eugéniste », « misogyne » ou « malthusien ».

Une célèbre autrice de recettes de livres de cuisine végane a cru utile de publier une story sur Instagram où elle se désole que l’on « gomme les facettes peu reluisantes » d’un personnage « érigé en héros absolu », envoyant ainsi un « message désastreux aux personnes minorisées ». Des accusations si graves, des mots si injustes dans un contexte où Paul risque si gros, sont un coup de poignard, non pas dans son cœur, mais dans le mien. Loin de moi l’idée d’en dresser un portrait enjolivé. Ceci est une démarche de vérité.  Paul est un homme hors du commun, mais il reste humain. Donc il n’est pas parfait. Il a des failles et je les connais bien. Je les aborderai à la fin.

Captain Watson Paul Watson Misogynist racist hero malthusian Lamya Essemlali

C’est aujourd’hui avec une double légitimité, en tant que « personne minorisée » comme on dit, mais aussi en tant que personne connaissant Paul personnellement, que je vais répondre à cette autrice donneuse de leçons et à côté de la plaque, mais aussi à ces associations écologistes qui lui ont refusé leur soutien (à l’instar d’Amnesty International qui refuse la moindre prise de position contre son extradition alors qu’ils ont fait des rapports édifiants sur les violations des droits humains dans les prisons japonaises – particulièrement à l’encontre des activistes étrangers). Le silence d’Amnesty France et International sur le « dossier Paul Watson », est une trahison à l’essence même de leur mission.

On a jusqu’ici toujours ignoré les accusations grotesques émanant de personnes ou de groupes anonymes type « enragés » ou « antifas » qui ne connaissent pas Paul, qui colportent des rumeurs issues de paroles déformées, sorties de leur contexte ou complètement inventées. Mais répétées à l’envie au cours du temps, par des détracteurs volontairement malveillants ou par des idiot(e)s utiles, elles finissent par rester… Et si je sais que cela importe peu à Paul, pour ma part, ayant été personnellement confrontée au racisme, à la misogynie et ayant connu la pauvreté (en référence à Malthus), je ressens le besoin de lui rendre justice. Je ne le fais pas pour convaincre ceux qui le dénigrent, ces gens n’ont pas d’importance et ne méritent pas le temps que je passerais à leur répondre. Je le fais pour moi d’abord, parce que j’en ressens le besoin. Je le fais aussi pour toutes celles et ceux qui soutiennent Paul et qui sont déstabilisés par ces accusations auxquelles ils ne savent que répondre. Enfin, je le fais pour Paul, parce qu’il le mérite.

Quand j’ai rencontré Paul en 2005, j’avais 24 ans. Je n’avais aucune expérience maritime ou associative, je venais de reprendre mes études, je sortais tout juste de la banlieue dans laquelle j’avais passé mon enfance et mon adolescence avec environ 90% de noirs et d’arabes… Pour moi, la France se résumait aux tours en béton qui bloquaient mon horizon physique et mental, aux contrôles au faciès des copains, à la hantise de croiser les contrôleurs dans le bus (c’était cher, une carte orange), à la nécessité vitale de se faire respecter en tant que nana (sans grands frères et sans papa) dans un univers sans pitié pour les faibles. J’ai grandi avec la douloureuse sensation de n’être ni complètement d’ici, ni vraiment de là-bas non plus (là-bas étant le Maroc). Je connaissais, à l’époque plus encore qu’aujourd’hui, le visage de la haine, celui qui vous crache que vous n’êtes pas chez vous dans ce pays et ne le serez jamais, qu’on ne vous louera pas cet appartement « parce qu’il y’ a des gens à qui on ne loue pas ». J’ai connu cette prof de lycée qui vous dit que quoi que vous fassiez, qu’aussi bonnes soient vos notes, il ne faut pas vous leurrer car un employeur normal préférera toujours embaucher un(e) français(e) pure souche qu’une « Essemlali »…. (j’ai eu aussi des profs inspirants qui m’ont dit qu’ils voyaient en moi les capacités de faire absolument tout ce que je voudrais dans la vie, je ne les oublie pas). À mes débuts au poste de Présidente de Sea Shepherd France, j’ai eu affaire à ces mâles quinquagénaires blancs, chefs d’entreprise sans une goutte d’activisme dans les veines, qui vous disent sans vous connaître que vous êtes de toute évidence, une « erreur de casting ».

J’ai grandi en cité HLM, élevée par une mère isolée qui faisait des ménages pour joindre les deux bouts. Ce mépris des femmes, des étrangers, des « défavorisés », je me suis construite avec. Ça a aussi forgé mon caractère, ça a boosté ma résistance aux défis et nourri mon aversion pour l’injustice, c’est une flamme qui me sert aujourd’hui, je ne regrette donc rien. J’ai été à l’école de la vie et j’y ai appris aussi à rire de l’adversité avec ces autres enfants élevés à la dure… J’y ai appris à m’affirmer et je considère que c’est une chance. Et si j’aime tellement Paul, au-delà du personnage public que tout le monde connaît, c’est parce qu’il est le premier qui m’a fait pleinement confiance, sans jamais me faire ressentir que je devais prouver plus que les autres, que je devais compenser mon genre, mon origine ou ma jeunesse…. Paul a été une bouffée d’oxygène qui m’a aidée à m’aventurer très loin des tours de ma cité, sur tous les océans de la planète et jusqu’en Antarctique, à la rencontre des baleines… Il a été un phare dans la nuit et je lui serai éternellement reconnaissante pour ça.

Dans la suite de ce texte, je réponds aux principales inepties qui circulent depuis plusieurs années sur Paul Watson.

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1/ Paul serait « raciste »

  • Brigitte Bardot

Les accusations de racisme à l’encontre de Paul reposent notamment sur sa loyauté envers Brigitte Bardot. Paul lui a toujours été reconnaissant de l’avoir aidé à sauver des dizaines de milliers de bébés phoques en le rejoignant sur la banquise canadienne en 1977… Sans partager ses opinions politiques, il a de l’estime et de la gratitude pour tout ce qu’elle a fait pour les animaux pendant des décennies. Ce simple fait lui vaut parfois d’être qualifié de « facho » par une police de la pensée qui se revendique « antifa » mais qui porte en elle les travers qu’elle dénonce.

Certains manquent de nuance au point d’inverser les choses. J’ai pu ainsi lire dans une story publiée récemment par notre célèbre cuisto végane, que ne pas « rappeler les failles éthiques de Paul » du fait qu’il ne fustige pas Brigitte Bardot, c’est créer une « hiérarchisation des urgences », un spécisme à l’envers.

Cela donne selon elle, le raisonnement suivant : « Ne pas renier Brigitte Bardot dans son ensemble, c’est dire aux arabes (et aux homos apparemment), que les animaux sont plus importants qu’eux ».

Pour moi, c’est précisément le contraire, la hiérarchisation des urgences serait justement de condamner Paul, non pas parce qu’il partage les opinions politiques de Bardot (à la limite, là je pourrais comprendre), mais simplement parce qu’il refuse de la réduire à cela.

Je plaide coupable dans ce cas, car je lui suis aussi infiniment reconnaissante pour son combat titanesque en faveur des animaux. Au-delà de ses prises de position contestables sur certains sujets et de ses allégeances politiques qui ne sont – en toute logique – pas les miennes, j’ajouterais à titre purement personnel, que pour l’avoir rencontrée à plusieurs reprises, la douceur dans son regard quand elle s’adresse à moi, la façon dont elle me serre dans ses bras en m’embrassant comme si j’étais sa petite-fille, sont à mille lieues de ce à quoi je m’attendais venant d’une « facho ». Toute arabe que je suis, je ne ressens pas le besoin de vilipender Bardot pour faire la preuve de mon aversion viscérale de toute forme de racisme. Ce combat-là – la peur de l’autre – est bien au-dessus et bien plus profond que ça. Et je trouve indécent, voir insultant, que des « antifas » qui – pour la plupart – n’ont jamais expérimenté le racisme puissent balayer du revers de la main ce qu’en pensent les premiers concernés. Je précise également que je ne connais aucun noir ou arabe qui se reconnaisse dans la mouvance « antifa ». Ça n’est pas pour rien.

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Brigitte Bardot aux côtés de Paul Watson en 1977 lors de la campagne contre la chasse aux phoques au Canada.
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  • L’immigration mexicaine aux États-Unis

Certains détracteurs de Paul lui attribuent une position anti-immigrationniste notamment concernant les Mexicains aux États-Unis sur la base de considérations racistes. C’est là encore, sortir les propos de leur contexte. Paul critique en fait une des pires formes de dumping social fomentée par l’agro-industrie américaine qui, grâce à un flux constant d’immigrés Mexicains illégaux,  maintient ces derniers dans des conditions de travail inhumaines,  relevant de l’esclavage moderne, avec peu ou pas de salaire, des agressions sexuelles récurrentes, des morts…. Le rapport de l’« Opération Blooming Onion » sorti en 2021 décrit bien cette problématique qui dure depuis des décennies. (lire https://www.theguardian.com/us-news/2021/dec/25/us-farms-made-200m-human-smuggling-labor-trafficking-operation )

Le propos de Paul est que pour être heureuse, l’immigration doit être choisie. Quand elle est motivée par le désespoir et le besoin de fuir la misère, elle donne lieu – sauf exceptions – à l’exploitation de la détresse humaine et à un douloureux sentiment de déracinement. J’en sais quelque chose puisque ça a été le cas de mes parents.

Pour éviter l’immigration dans ce qu’elle a de tragique, c’est aux inégalités entre pays pauvres et pays riches qu’il faut s’attaquer en premier lieu. Et c’est bien ces inégalités que j’ai toujours entendu Paul dénoncer, notamment via certains accords de pêche européens avec les pays africains par exemple, qu’il qualifie de pillage en règle et de néo-colonialisme. Ce pillage des eaux poissonneuses de l’Afrique pour satisfaire les estomacs européens, précipite des millions de jeunes africains dans la misère… Ce sont les mêmes que l’on retrouve agglutinés aux frontières de l’Europe et au fond de la mer Méditerranée… Il est là le propos de Paul au sujet de l’immigration.

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  • Le combat de Paul aux côtés des Premières Nations : Hoka Hey !

Paul a toujours été très proche des cultures autochtones, particulièrement des indiens d’Amérique du Nord. Il se retrouve dans leur combat et dans leur culture qui a tendance à être biocentrique (versus l’anthropocentrisme majoritaire dans les sociétés occidentales). Son lien avec eux ne se résume pas à son engagement aux côtés des Lakotas lors du siège de Wounded Knee en 1973. Leur enseignement l’a accompagné toute sa vie durant. « Hoka Hey = c’est un beau jour pour mourir », le cri de guerre des Lakotas a été son leitmotiv dans un combat acharné qui nécessite d’être prêt à risquer sa vie. Les Lakotas lui ont donné un nom indien dont l’équivalent anglais est « Grey Wolf Clearwater» et les Mohawks lui ont offert le pavillon des Cinq Nations des Iroquois, en reconnaissance de son combat. Voilà ce que Paul en dit dans ses écrits : « Nos navires sont les seuls au monde à arborer le pavillon de la Confédération des Iroquois et nous en sommes extrêmement fiers. Nous le faisons flotter sur toutes les mers du globe, ce pavillon représente la bénédiction et la protection d’une nation incroyable, qui a compris le lien intime qui nous lie à cette merveilleuse planète que nous devons à tout prix défendre et protéger. »

Depuis que je connais Paul je l’entends parler des autochtones comme de ses frères de combat pour la Terre. Il est resté proche d’eux tout au long de sa vie, a enseigné l’histoire de leur oppression à La Sorbonne dans les années 70. Il a toujours dénoncé le fait que l’Éducation Nationale aux États-Unis n’enseigne pas le massacre de millions d’Indiens d’Amérique par les Européens ainsi que le fait qu’il n’existe à ce jour aucun monument de commémoration au génocide des Indiens aux États-Unis. Paul a aussi soutenu les Indiens Kayapos au Brésil alors qu’ils s’opposaient à la construction du barrage de la rivière Xingu et a mené des missions aux côtés des Aborigènes d’Australie.

En 2014, la réunion annuelle de Sea Shepherd réunissant les antennes internationales du mouvement, s’est tenue sur le territoire Mohawk dans le Vermont. Les Mohawks avaient fait le déplacement jusqu’à Woodstock pour accueillir Paul alors qu’ils étaient pourtant occupés ailleurs avec les cérémonies du solstice d’été. Il en avait été très touché.

Walrus (David Garrick), le meilleur ami de Paul (nous avons baptisé le bateau de Sea Shepherd France en sa mémoire) avec qui Paul a notamment vécu l’expérience marquante du siège de Wounded Knee en 1973 a dédié le reste de sa vie à la défense des revendications territoriales des autochtones face aux compagnies forestières et minières canadiennes. Il a permis aux Premières Nations de Colombie Britannique de garder leurs terres en découvrant les arbres culturellement modifiés (CMTs) datant de plusieurs siècles, établissant ainsi la preuve de leur présence ancestrale sur les terres concernées, malgré l’absence de titres de propriétés écrits. Paul est extrêmement fier de lui.

Enfin, sur la version originale du pavillon pirate de Sea Shepherd inventé par Paul en 1991, figure une plume qui représente la culture autochtone. C’est cette version du logo que j’ai décidé de ressortir pour Sea Shepherd France.

Voilà donc pour le Paul « raciste ».

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2/ Paul serait « eugéniste »

Étrangement, parmi les accusations ignobles qui circulent sur Paul Watson, figure l’eugénisme. J’ai quand même eu besoin de retrouver la définition exacte du mot, j’ai trouvé ceci dans le Larousse : « Théorie cherchant à opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique en vue d’améliorer la race.”

J’ai beau chercher, la seule chose que je trouve qui aurait pu être interprétée et déformée dans ses propos pour en arriver une telle absurdité, porte sur le fait d’avoir des enfants.

Paul considère que l’un des problèmes majeurs de cette planète – et de notre espèce – sont tous ces gens qui font des enfants sans les vouloir vraiment, sans les aimer, sans s’en sentir responsables. Tous ces enfants qui grandissent sans amour, sans attention, sans soins…

Il considère que la responsabilité la plus ultime d’un être humain est de donner la vie et d’en assumer la responsabilité et il s’interroge sur le fait que pour exercer n’importe quel métier, conduire une voiture ou enseigner, on doive suivre une formation, être testés sur nos capacités, mais que pour être parent, il n’existe rien. Les psychopathes, les agresseurs sexuels, peuvent tout à fait avoir des enfants et fabriquer ainsi leurs propres victimes. Il trouve par exemple aberrant qu’aux États-Unis le courant de pensée contre l’avortement soit également en faveur de la peine de mort. Si on met de côté les erreurs judiciaires, les personnes qui se retrouvent dans le couloir de la mort ont souvent eu une existence chaotique, une enfance sans repères, sans amour… aujourd’hui certains États américains interdisent l’avortement y compris en cas de viol ou d’inceste. Outre la mainmise de l’État sur le corps des femmes, c’est aussi la fabrication de la misère humaine de demain… Paul a donc évoqué l’idée d’une formation pour être parents qui consisterait à faire la démonstration qu’on est capable d’être responsables, d’aimer, d’éduquer et de subvenir aux besoins essentiels d’un enfant.

Si dans l’idée, cela peut s’entendre, dans la pratique c’est évidemment un terrain glissant car qui serait en charge d’une telle formation ? Qui définirait les critères et donnerait les validations ? Et puis bien sûr, tout moyen de coercition pour ceux qui ne rempliraient pas ces critères reviendrait à prendre une pente dangereuse sur laquelle Paul ne s’est d’ailleurs jamais aventuré, car il en perçoit bien les risques de dérives. Dans tous les cas, cette réflexion, si elle ne peut aboutir à des mesures concrètes, découle d’une pensée visant à protéger les enfants des abus et des maltraitances dont ils sont des millions à être victimes, et n’a absolument rien à voir avec une logique eugéniste qui consiste  –  selon une de ses définitions –  à « manipuler la génétique et les pratiques sociales avec pour but de déterminer les conditions les plus favorables à la procréation de sujets sains, et par là même, d’améliorer la race humaine » . Cela n’a donc rien à voir. D’ailleurs Paul ne souhaite pas que nous améliorions les enfants à naître, il souhaite que nous les écoutions davantage. Il a beaucoup écrit sur le fait que les adultes ont bien plus à apprendre des enfants, que l’inverse. (Lire son magnifique texte « Un enfant naît avec sept dons naturels. »)

Voilà donc pour le Paul « eugéniste ».

3/ Paul serait « malthusien »

Malthus est un prêtre du 19ème siècle, qui, si on résume sa pensée, considérait que la population humaine croît plus vite que les ressources et que les pauvres sont responsables du problème car ils font trop d’enfants. La solution selon Malthus serait donc de stopper les aides aux plus pauvres.

L’explosion démographique est un enjeu sur lequel Paul s’est exprimé à maintes reprises mais jamais en lien avec la pauvreté, c’est même plutôt l’inverse. « Cette planète ne peut pas contenir 8 milliards d’êtres humains qui mangent des animaux ». Outre les considérations éthiques de l’abattage de milliards d’animaux, le désastre écologique engendré par la surconsommation de produits animaux est sans doute l’une des pires menaces qui pèse aujourd’hui sur le maintien de la vie sur cette planète. Paul a donc averti que si nous ne prenons pas garde aux dépassements des limites planétaires, à la fois sur le nombre mais aussi et surtout sur les modes de vie (et en cela les pays riches ont un impact bien plus écrasant que les pays pauvres), la « Nature » nous rappellera à l’ordre de la plus douloureuse des façons. Des pays riches qui aspirent à devenir encore plus riches et des pays pauvres qui aspirent à leur ressembler… Voilà la course folle dans laquelle nous nous sommes lancés et dont il faut absolument infléchir la trajectoire. On est donc là encore bien loin de la pensée binaire et fondamentalement erronée de Malthus.

J’ai un souvenir marquant sur cette question de « surpopulation ». Lors d’une conférence en 2008 à Saint-Jean Cap-Ferrat, Paul dissertait sur le fait que selon lui, le monde va si mal et l’humanité est si inconsciente de sa folie destructrice, qu’il ne s’agit pas tant de ne plus faire d’enfants. Il expliquait que selon lui, ce sont justement les gens qui sont tellement conscients de l’état du monde qu’ils ne veulent pas faire d’enfants qui devraient en faire. Car ils transmettront à leurs enfants ces valeurs essentielles dont la planète a tant besoin.

À la fin de la conférence, une jeune femme est venue me voir en pleurs, me demandant de remercier Paul dont les propos l’avaient aidée à considérer les choses autrement. Elle était jeune maman et elle culpabilisait d’avoir mis au monde un enfant, justement du fait que notre espèce détruit cette planète. Je n’ai pu m’empêcher de penser aux conséquences tragiques que peut engendrer la culpabilité d’une mère dans sa relation avec son bébé… Quelle aurait pu être la vie de cet enfant, élevé par une mère qui pense qu’elle n’aurait pas dû le mettre au monde ? Je n’oublierai jamais ses larmes et sa gratitude envers Paul qui, à travers des mots simples et justes, l’avait sans le savoir, aidé à se libérer d’un regret qui n’avait pas lieu d’être.

Voilà pour le Paul, « malthusien ».

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4/ Paul serait un « gourou »

C’est sans doute la première critique que j’ai pu lire à l’encontre de Paul, qualifié de « gourou » au sens péjoratif du terme par ses détracteurs occidentaux. À l’origine, le terme « gourou » signifie « guide spirituel » dans les religions hindoues et n’a rien de négatif. Le terme a été dévié de son sens originel en occident, suite à de nombreuses affaires d’escroqueries et d’abus de pseudos maîtres spirituels, qui ont abusé de personnes vulnérables. Ces imposteurs souvent à la tête de mouvements sectaires sont en général condamnés pour trafic sexuel, extorsion, association de malfaiteurs, entre autres joyeusetés.

Outre le fait que Paul n’a rien à voir avec tout ça, il est intéressant de noter que pour les Indiens, le fait d’avoir à ce point corrompu le terme de « gourou » en Occident est considéré comme une insulte et une forme de néocolonialisme qui méprise et dévalorise les concepts non occidentaux.

L’antithèse du gourou (au sens occidental et péjoratif du terme)

En réalité, c’est d’autant plus grotesque de qualifier Paul de « gourou » qu’il est aux antipodes de l’idée que l’on peut s’en faire. Là où le gourou enferme dans une pensée préconçue, manipule et tend à priver l’individu de son « libre arbitre » et à l’isoler du reste du monde, Paul a toujours encouragé les gens à penser par eux-mêmes, à suivre leur cœur, à écouter leur voix intérieure. Même à celles et ceux qui lui demandent « comment peut-on aider ? » Paul a toujours répondu que chacun(e) a la réponse à cette question au fond de son cœur : «  Qu’est-ce que vous aimez faire ? Qu’est-ce qui vous fait vibrer ? En quoi est-ce que vous excellez ? Et comment pouvez-vous mettre cela à profit d’une cause qui nous transcende » ?

Dans son texte sur les 7 dons de l’enfance il écrit : « Les rêves d’un enfant peuvent se réaliser s’il ne perd pas les sept dons naturels qu’il reçoit à la naissance. Le secret est simple. Suivez votre cœur, et souvenez-vous que votre cœur n’a jamais tort. »

Je pense que l’image de gourou lui vient aussi du fait qu’il est extrêmement charismatique. Ça n’est le résultat ni d’un travail ni d’un calcul. Paul est charismatique parce qu’il est habité par une cause qui le transcende. Cela a pour conséquence qu’il prend effectivement de la place, naturellement. Et au sein du mouvement, cela a pu susciter des jalousies. Quand je lis les témoignages de certains activistes, anciens collègues qui lui reprochent de trop se mettre en avant ou d’avoir trop d’ego, tout ce que je perçois, c’est leur propre ego en quête de lumière. Paul n’est pas dénué d’ego, mais son ego est un serviteur, il n’est pas un maître. Cela fait toute la différence. Car l’ego des militants de ce mouvement est très certainement sa pire gangrène. Là où Paul n’a par exemple pris aucune mesure pour protéger efficacement le nom et les logos de Sea Shepherd  –  par refus de se les approprier –  ceux qui les lui ont volés ont justement fait tout le contraire…  Je revois Alex Cornelissen directeur de Sea Shepherd Global, me dire juste après qu’il a évincé Paul « Aujourd’hui, Sea Shepherd, ça n’est plus Paul, c’est nous ».

Voilà pour le Paul « gourou ».

5/ Paul serait « misogyne »

J’ai pu lire également que Paul était misogyne, notamment parce qu’il s’entourait de jolies femmes, qu’il réduisait à leur plastique. On lui a reproché le physique de sa dernière épouse « blonde pulpeuse » ou encore son amitié avec Pamela Anderson.

Là encore, à mon sens, la misogynie consiste plutôt à discréditer la légitimité de Pamela Anderson en tant qu’activiste et militante crédible de la cause animale, du fait de sa plastique. Le fait est que Pamela Anderson est engagée depuis 30 ans dans la cause animale, qu’elle est audible et qu’elle utilise sa notoriété pour ce combat qui lui tient à cœur. Le problème tient plutôt au fait que nous sommes dans une société de paillettes qui glorifie le superficiel et néglige l’essentiel. Que des personnes comme Pamela Anderson qui baignent dans les deux univers servent à faire le pont entre l’essentiel et le superficiel, est plutôt intelligent. Par exemple, en 2013, il était question que Paul soit invité à l’émission « On n’est pas couchés » sur France 2 (à regarder ici). La production nous avait finalement répondu que Paul parlant anglais, il ne serait pas invité. Le hasard a voulu que Pamela Anderson soit en France à ce moment-là. L’émission voulait absolument l’inviter. Pamela a alors émis comme condition à sa venue que Paul soit présent à ses côtés pour parler de la cause des océans. Soudainement, la barrière de la langue n’était plus un problème. Comble de l’ironie, sur le plateau, Léa Salamé a demandé à Paul s’il ne trouvait pas « triste d’avoir besoin de Pamela Anderson pour être invité sur un plateau télé… » J’ai failli m’étouffer.

Crédits : Bestimage

Le fait est que Paul a toujours eu énormément de respect pour les femmes et plus que cela, il n’a jamais fait de différence entre les genres. Il a souvent confié les rênes de l’organisation à des femmes, du bas de l’échelle aux plus hauts niveaux de responsabilité. Il a aussi toujours été particulièrement attentif justement aux comportements à tendance misogyne chez certains marins dont il considère qu’ils n’ont pas leur place dans les équipes de Sea Shepherd.

Voilà pour le Paul « misogyne ».

Captain Watson Paul Watson Misogynist racist hero malthusian Lamya Essemlali Global
Avec les 4 directeurs de Sea Shepherd Global, Peter Hammarstedt, Geert Vons, Jeff Hansen et Alex Cornelissen, 3 ans avant qu’ils n’évincent illégalement Paul Watson (et Lamya Essemlali) du conseil d’Administration.

6/ Les failles de Paul

 

Après être revenue sur ce qu’il n’est pas, je vais conclure sur ce qu’il est. Sans avoir la prétention de décrire l’entièreté de sa personnalité.

Paul est un génie dès lors qu’il s’agit de stratégie, de batailles navales, de véhiculer sa pensée avec passion, d’inspirer les gens… Il est aussi humainement bienveillant, attentif et extrêmement loyal en amitié. Il a un cœur en or et il est sans exagération aucune, une des personnes les plus gentilles que je connaisse.

Mais il n’a jamais su et jamais voulu diriger une organisation. Il n’a jamais su se prémunir, ni lui-même ni son organisation des appétits voraces et des opportunistes. Il déteste les conflits internes et il a toujours préféré les ignorer (voir les fuir) que les affronter. Il n’a jamais vu venir les profiteurs mal intentionnés, les manipulateurs et par une confiance aveugle et naïve il les a laissés prendre trop de place, jusqu’à les laisser s’accaparer ce que lui n’avait pas voulu ou pas su protéger. C’est exactement ce qui s’est passé avec une partie du mouvement Sea Shepherd qui l’a trahi parce qu’il n’avait posé aucun garde-fou.

Il a été trahi de multiples fois et il a répété les mêmes erreurs, encore et encore. L’implosion qui a eu lieu au sein du mouvement Sea Shepherd en 2022 est le résultat d’années de confiance aveugle, placée en des individus qui ont manigancé dans son dos, parfois avec des ficelles très grosses (comme je l’ai appris a posteriori)… Les conséquences sont lourdes car cela donne lieu, bien malgré lui, à un détournement du mouvement, à des injustices et à un affaiblissement d’un outil précieux pour la cause. C’est difficile pour ceux qui l’entourent, les pires épreuves que j’ai eu à traverser au sein du mouvement sont issues de cela.

Je l’ai prévenu à maintes reprises mais Paul est un idéaliste, ça le rend vulnérable. Et ça nous a causé tellement d’ennuis… ça a failli tuer le mouvement. Mais je ne le juge pas pour autant. Je l’aime tel qu’il est, et peut-être ne pouvait-il pas en être autrement. Ses défauts sont le revers de ses qualités. J’ai parfois envie de le secouer et de lui hurler qu’il est temps d’apprendre de ses erreurs, qu’il a une énorme responsabilité parce qu’il inspire tellement de gens qui lui font confiance et qu’il doit être attentif, protéger ce mouvement du mal intérieur qui peut ronger tout mouvement qui prend de l’ampleur, de la tentation du pouvoir de ceux qui n’ont pas sa sincérité… Mais je ne peux pas lui en vouloir, car c’est aussi parce qu’il est comme il est, que ce mouvement existe et que nous sommes des milliers à y prendre part. Il a créé quelque chose d’unique  –  qui je l’espère, lui survivra  –  et il a changé la vie de beaucoup de gens, à commencer par la mienne. C’est vrai pour le capitaine Watson, le mentor. Mais c’est vrai aussi, pour Paul, l’homme. On dit qu’un(e) ami(e), c’est quelqu’un qui vous connait vraiment et qui vous aime quand même. C’est donc en tant qu’amie de Paul, que je signe ce texte.

Lamya Essemlali