Dix jours après que le jeune baleineau a été repéré seul et amaigri dans une baie de Martinique, différentes étapes se sont déroulées parmi lesquelles de brèves tentatives d’hydratation et d’accompagnement de l’animal au large.
Plusieurs acteurs ont participé d’une façon ou d’une autre à ces opérations sous une coordination du RNE (opérateurs de Whale Watching, l’association Carribean Cetacean Society (CCS), le bureau d’études Aqua Search, des gestionnaires du sanctuaire Agoa et du Parc Marin de la Martinique). Ces opérations ont ensuite été stoppées pour des raisons différentes selon les acteurs concernés et notre propos à ce stade n’est pas de revenir là-dessus. L’urgence étant surtout la suite pour le baleineau.
Mardi 18 avril au matin, la brigade nautique et le navire de la Direction de la mer installent un périmètre de sécurité afin d’éviter les perturbations du baleineau, ce qui est une bonne chose.
Aujourd’hui 19 avril, le RNE affirme que plus aucun protocole d’intervention ne doit être mis en place et qu’il convient de « laisser faire ».
Deux recommandations différentes d’experts semblent s’opposer.
D’un côté, certains scientifiques consultés dans le cadre de l’ECS (European Cetacean Society) qui se tient en ce moment à Barcelone, affirment qu’il convient de ne plus rien tenter à ce stade pour ne pas stresser l’animal. Le RNE suit donc ces recommandations et conseille l’État dans ce sens.
De l’autre, dans un courrier adressé aux autorités, d’autres scientifiques affirment que, sur la base des informations dont ils disposent, sur la vivacité restante du baleineau, qui bien qu’amaigri n’est pas moribond, il serait encore pertinent de tenter de l’attirer au moyen d’un stimuli positif qui pourrait augmenter ses chances de rencontrer des congénères adultes dans les eaux plus profondes. Ils recommandent pour cela d’utiliser du diméthyle sulfure (DMS) dont il a été démontré, études à l’appui, qu’il avait un effet attractif sur les baleines à bosse adultes. S’il s’avérait que ce juvénile réagissait de manière similaire, cela pourrait l’encourager à nager en direction des baleines adultes qui migrent actuellement plus au large et ainsi augmenter ses chances de survie.
Concernant le stress potentiel induit, les scientifiques affirment que « le DMS est un stimuli positif et rien ne suggère que sa présence dans l’eau pourrait constituer un stimuli négatif, source de stress (ce qui serait considéré comme du harcèlement), ni qu’il pourrait conduire l’animal à faire quelque chose qu’il n’aurait pas envie de faire. Si cette technique n’a jamais été testée sur des juvéniles et qu’il n’y a donc aucune garantie de succès, elle n’est en tous cas pas susceptible de lui causer du tort. »
Sur la base de cette garantie relative à l’absence de stress induit, nous sommes pour notre part, favorables au fait de tenter ce qui a, certes très peu de chances d’aboutir, mais qui représente néanmoins une infime chance supplémentaire de survie pour ce baleineau.
Dans l’éventualité d’un échouage, quid de l’euthanasie ?
Nous sommes par ailleurs inquiets d’un potentiel échouage si le baleineau ne parvenait pas à rejoindre des congénères au large et, s’épuisant progressivement, finissait par s’échouer vivant sur une plage. C’est hélas une probabilité non négligeable et chacun doit s’y attendre. Nous assisterions alors à une longue agonie du baleineau qui finirait par mourir étouffé sous propre poids. Cette scène insoutenable pourrait durer toute une journée voire plus ! Si la Martinique ne dispose pas des moyens pour euthanasier un tel animal (c’était également le cas en métropole, dans le Finistère en septembre dernier lors de l’échouage d’un rorqual de 15 mètres), la situation actuelle permet d’anticiper un tel scénario et de prendre les mesures en amont afin d’abréger ses souffrances si cela s’avérait être la seule issue.
Pour résumer, Sea Shepherd France demande que le protocole non invasif d’incitation à base de DMS préconisé par un autre panel d’experts soit tenté, malgré les faibles chances de réussite et que des mesures anticipatoires soient prises afin de se tenir prêts à abréger les souffrances de l’animal en cas d’échouage.