Annika Byrde/NTB, via Agence France-Presse — Getty Images

Elle est l’un des plus récents symboles de la cruauté dont l’humanité est capable. Freya, représentante d’une espèce que nous avons persécutée comme tant d’autres jusqu’au seuil de l’extinction, avait commis l’erreur fatale de croire qu’elle avait le droit de côtoyer les humains de près.

Après 350 ans de persécution, les morses ont bien failli disparaitre de la surface du globe. Il n’en restait plus qu’une centaine lorsque l’espèce devient enfin protégée en 1952. Les dernières estimations datent de 2018 et portent à environ 5 500 individus à peine la population… au bout de 60 ans de protection.

Freya, une femelle morse d’environ 5 ans et 600 kilos a été vue la première fois en Norvège en décembre 2019. Elle a également été aperçue en Grande Bretagne (iles Shetland inclues), au Danemark, en Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas, où elle a toujours été très bien accueillie.

En 2022, elle passe beaucoup de temps, à Oslofjord, en Norvège où elle prend l’habitude de faire la sieste sur des bateaux de plaisance que ses 600 kilos mettent à rude épreuve. Elle s’attire ainsi les foudres des propriétaires de bateaux.

En juin, le maire de Kragero en Norvège déclarait que Freya devait être déplacée ou abattue. En juillet, le biologiste Per Espen Fjeld, publie un article intitulé « Il faut tuer Freya « dans lequel il dit qu’elle coûte bien trop cher à la société norvégienne : « Je ne suis pas sûr de l’étendue des dégâts mais il est certain que cela coûte plus que ce que cela ne vaut à la société norvégienne. Surement des centaines de milliers de couronnes. Il y a un « effet Bambi » avec cet animal, c’est de la pitié. Nous tuons des centaines de milliers d’animaux sauvages chaque année, y compris des animaux qui occasionnent bien moins de dégâts ».

Freya, est vite très médiatisée mais sa célébrité ne la protège pas, elle ne fait que l’exposer davantage et face à l’afflux de curieux qui ne respectent pas les distances d’approche, les autorités norvégiennes décrètent qu’elle constitue une menace pour la sécurité des personnes. Elles choisissent l’argument sécurité plutôt que l’argument matériel pour justifier leur hostilité envers Freya et évoquent le fait que les personnes ne respectant pas les distances se mettent en danger.

Freya… Crédit photo: Tor Erik Schrøder/NTB Scanpix via AP

Malgré la proposition de NOAH (National Office of Animal Health) de mettre à disposition des vétérinaires et des experts pour aider à déplacer Freya, et en violation de plusieurs lois de protection de la faune sauvage, dont la Convention de Bern sur les espèces protégées et en dehors de tout danger immédiat et avéré sur les personnes, les autorités norvégiennes décident précipitamment de faire tuer Freya, en plein week-end. Vendredi 12 août, l’annonce est faite que Freya pourrait être « euthanasiée ». Dès le lendemain, une équipe est envoyée sur les lieux où elle a l’habitude de se reposer mais ne la trouve pas. Les tireurs reviennent le dimanche 13 aout. Freya fait la sieste sur le quai. Ils lui tirent alors une balle dans la tête.

Freya, qui n’avait jamais eu une once d’agressivité envers quiconque a donc été abattue parce qu’elle ne s’est pas suffisamment méfié des humains.

Cette ambassadrice paisible du monde sauvage, était devenue trop encombrante, gênante pour des biologistes et des autorités qui ont littéralement perdu leur âme, qui ont choisi la facilité, avec un manque de transparence et une précipitation coupable.

Cette statue à l’effigie de Freya réalisée par l’artiste Hans Erik Holm permettra peut-être qu’on ne l’oublie jamais. Il s’agit de faire en sorte qu’à l’avenir, on sache se montrer plus dignes et plus respectueux du Vivant. Ces animaux sauvages envers lesquels notre espèce a une dette insolvable méritent que l’on fasse les efforts nécessaires pour leur permettre de nous rendre visite en toute sécurité. Puisque nous sommes si envahissants et que nous nous sommes accaparé la plupart des espaces naturels, à nous d’assumer la situation et de nous adapter lorsque l’un de ces animaux décide de nous rendre visite. Romain Gary le disait si justement : « Dans un monde où il n’y a plus de place que pour l’Homme, il n’y a plus de place, même pour l’Homme ».

Lamya Essemlali, Présidente Sea Shepherd France

Article relatant les propos de Per Espen Fjeld, pour qui “La vie de Freya ne valait pas tous les dégâts matériels qu’elle pouvait causer” :  https://newsbeezer.com/norwayeng/freya-the-walrus-will-shoot-freya/?