Nous voilà tous confinés depuis quelques jours, plongés dans une crise sanitaire contemporaine sans précédent. Des événements, des institutions, des traditions, des entreprises, que nous croyions aussi immuables et éternels que le sont le soleil ou les marées sont brutalement stoppés nets. Voilà qu’un micro-organisme met l’humanité à plat ventre et lui fait mordre la poussière. Brutal rappel à l’ordre pour les « les maîtres du monde », ramenés à leur rang de mortel, vulnérable et dépendant du monde naturel.

Nous ne sommes pas une légende divine. Nous sommes un primate imberbe qui a appris à maitriser la technologie et qui s’en sert pour dominer et dévorer le monde, ses habitants et ses habitats. À l’égard du Vivant, nous nous comportons comme un virus sans conscience, sans réflexion, sans sentiment, sans intelligence, avide de coloniser, d’exploiter à l’infini, ignorant du fait que la mort de notre hôte sera aussi la nôtre. Nous sommes la plus grande cause d’extermination du Vivant que la planète n’ait jamais connu. Il y a plusieurs décennies déjà, nous avons déclenché la pire crise d’extinction massive de l’histoire du monde et ça sera là le seul héritage de notre très bref passage sur cette planète. Rien de nos constructions, de nos écrits, de nos musiques, de nos inventions, rien ne restera. Ne restera que la poussière d’un monde en ruine qui mettra des millions d’années à se remettre de notre passage.

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Nous sommes une espèce immature, un gamin égoïste et capricieux qui s’est procuré l’arme atomique. Covid-19, en nous rappelant notre vulnérabilité et notre dépendance au reste du Vivant, nous donne une opportunité unique de grandir en devenant enfin plus humbles.

Les germes du mal qui nous attaque sont tous nés dans le terreau mortifère de notre rapport au reste du Vivant, notre rapport aux animaux et aux éco-systèmes. Nous avons créé ce qui nous tue. Grippe porcine, grippe aviaire, maladie de la vache folle, SRAS, VIH-1, Ebola, … Et maintenant Covid-19. Tous découlent de la même chose : la destruction sans limite du monde sauvage, l’élevage intensif, l’uniformisation des milieux, notre comportement collectif hystérique, sans éthique et sans conscience. Coronhumanus reste à ce jour le virus le plus mortel que la planète ait connu. A la différence des autres virus, nous sommes capables de penser, de réfléchir, de philosopher… Nous sommes capables de comprendre, parait-il.

Quelques jours de confinement à Venise et voilà que les eaux redeviennent transparentes, les poissons reviennent, les dauphins font leur apparition dans le port de Cagliari…

C’est à la fois beau et triste, source d’espoir et source de honte. De quoi nous faire réfléchir.

En Chine, on sait déjà que la chute de la pollution a sauvé plus de vie que le virus n’en n’a fauché. Un virus mortel qui nous sauve de nous-mêmes. Quelle ironie.

Nous sommes donc en guerre contre un virus oui. Le virus de la cupidité, de l’arrogance, de l’égoïsme. Le virus de l’anthropocentrisme qui donne la fièvre au monde au sens littéral du terme.

Nous sommes en train de perdre cette guerre et Covid-19 est peut-être notre dernière chance de le comprendre avant qu’il ne soit vraiment trop tard. Cette crise est un avertissement, une répétition et surtout une partie de campagne en comparaison de ce qui nous attend avec l’extermination du Vivant dont nous sommes coupables et l’effondrement écologique qui en découlera immanquablement.

Pour ce qui est de Sea Shepherd la situation est inégale selon les endroits.

Nous veillons au bien-être de nos équipages de nos bénévoles. Nous prenons toutes les précautions nécessaires pour prévenir l’introduction et la propagation du virus sur nos navires. Nos équipages sont en bonne santé, et nos navires ne sont à ce jour pas contaminés. Certaines missions se poursuivent comme l’opération Milagro au Mexique pour défendre les vaquitas (marsouins du Pacifique), d’autres sont en stand-by comme les campagnes africaines, nos bateaux étant actuellement bloqués en Europe. Nous constatons avec une grande frustration que les zones que nous patrouillions habituellement en Afrique de l’Ouest sont livrées au braconnage et nous rongeons notre frein le temps d’être autorisés à y retourner. L’opération Siracusa qui protège le parc marin de Plemmirio des braconniers est également à l’arrêt compte tenu de la situation dramatique en Italie.

Les opérations de nettoyage, les évènements et les levées de fonds indispensables pour nos campagnes sont pour beaucoup reportées ou annulées.

L’Opération Dolphin Bycatch pour les dauphins en France a dû être écourtée en raison de l’interdiction de navigation et si le ralentissement de la consommation de poissons dû au confinement, offre un répit inespéré aux dauphins (victimes des filets de pêche) et aux poissons, on entend déjà les Comités des Pêches en appeler dans les médias à la « solidarité des consommateurs », enjoints de continuer à manger du poisson frais…

Nous en appelons pour notre part à la solidarité avec l’océan et ses habitants. La pêche est la première menace qui pèse sur l’océan, la pire force de destruction. Profitez de ce moment justement pour réduire votre impact et votre pression sur la vie marine, elle en a grand besoin.

D’après les scientifiques des Nations Unies la pêche entrainera un effondrement global de la vie dans l’océan d’ici 2048. Les phénomènes en cascades qui en découleront relayerons Covid-19 au rang de l’anecdote. Si l’océan meurt nous mourrons…. TOUS. Là encore, espérons que nous saurons en prendre conscience avant d’y être confrontés.

À nos amis, soutiens, nos bénévoles à travers le monde et à tous ceux qui sont en première ligne, soyez attentifs et précautionneux. Respectez le confinement, dans l’intérêt de tous. Tâchons de sortir collectivement grandis de cette épreuve, plus conscients des réalités, de notre vulnérabilité et plus respectueux du monde.

Nous vous tiendrons informés dès que nous le pourrons de l’évolution de nos missions et de nos avancées en cette période de confinement généralisé. Votre soutien est et nous sera précieux pour continuer à défendre et à protéger le berceau de la vie.

Merci à tous et prenez-soin de vous.

Lamya ESSEMLALI
Présidente Sea Shepherd France