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Sea Shepherd sur l’opération Vents de la Colère dans la baie de St-Brieuc

Le Congrès Mondial pour la Nature de l’UICN qui se tenait pour la première fois en France à Marseille, touche à sa fin. De nombreux discours ont été tenus sur l’importance capitale de préserver la biodiversité, a fortiori la biodiversité marine. Et pour cause : elle permet à l’océan de produire plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons et d’être le premier puits de carbone, ce qui en fait le premier organe de régulation du climat. La vie marine est notre meilleure alliée contre le changement climatique à tel point qu’une récente étude britannique a calculé qu’une seule baleine permet la séquestration de CO2 équivalente à 30 000 arbres par an.

Conscient de l’enjeu, du moins en apparence, le président Emmanuel Macron a déclaré lors de l’ouverture du Congrès de l’IUCN : «L’urgence, c’est de faire comprendre à tous que la bataille pour le climat est jumelle de celle pour préserver la biodiversité»

Une politique de développement des EMR1 indigne d’une grande puissance maritime

Il n’aura pas pu échapper au Président de la République que la France est en passe de sacrifier la biodiversité marine à la lutte (supposée) contre le changement climatique, à travers le développement massif d’usines éoliennes le long de son littoral. Contrairement aux autres pays européens qui ont pris la biodiversité en compte en amont des choix de localisation des usines éoliennes offshore, la France n’a considéré que des critères économiques, techniques et militaires. Le résultat est un véritable écocide programmé.

Les conséquences d’une telle politique sont d’autant plus graves que contrairement aux autres pays, la France compte trois façades maritimes et représente un enjeu sans équivalent en termes de couloirs migratoires, de zones de reproduction, de repos et de nourrissage pour de nombreuses espèces d’oiseaux et de mammifères marins. « Alors que le littoral français représente un enjeu bien plus grand pour la vie marine que d’autres pays, elle fait moins bien qu’eux. De par sa responsabilité colossale dans la survie de certaines espèces marines, la France devrait être exemplaire, or elle fait pire que tous les autres ! Nous sommes à l’aube d’un véritable écocide sur notre littoral. » s’indigne Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France

« Tous les projets français d’éolien en mer sont en contradiction avec les politiques de protection de l’environnement marin. Ce n’est pas sur le développement de l’éolien offshore que la France est en retard, mais sur la planification de son espace maritime, sur ses obligations relatives à l’évaluation environnementale préalable, sur l’information et la participation des parties prenantes au processus décisionnel. La préservation de ce patrimoine commun nous concerne tous » poursuit Katherine Poujol, Présidente de Gardez les Caps.

Le cas de l’usine éolienne dans la baie de Saint-Brieuc défendu bec et ongles par le gouvernement est emblématique de la catastrophe annoncée : 62 éoliennes de plus de 200 mètres de haut doivent être érigées aux abords des deux plus grands sites de nidification d’oiseaux marins de métropole, dans une baie qui abrite la plus grande réserve naturelle de Bretagne et à proximité immédiate de deux zones Natura 2000. Le tout sur une des roches les plus dures d’Europe (l’entreprise a déjà cassé trois têtes foreuses et causé trois pollutions en forant) ce qui donnera aux bretons le privilège de bénéficier de l’électricité éolienne la plus chère du monde.

Des dérogations de destructions et d’habitats protégés inacceptables

Cormorans en baie de St-Brieuc – aout 2021

Du fait de la richesse écologique du site et de la présence de nombreuses espèces protégées, la société Iberdrola Ailes Marines SAS a dû demander de nombreuses dérogations de destruction d’espèces.

Le 23 octobre 2015, Ailes Marines demande au Préfet des Côtes-d’Armor, Pierre Lambert, la délivrance d’une autorisation unique lui permettant la construction, l’exploitation et le démantèlement du projet éolien de Saint-Brieuc mais également des dérogations pour la destruction et la perturbation intentionnelles d’espèces protégées pour 54 espèces d’oiseaux, 5 espèces de mammifères marins mais également pour la destruction de leurs habitats. C’est en avril 2017 que le successeur de Pierre Lambert, Yves Le Breton préfet des Côtes-d’Armor accorde les autorisations nécessaires à la filiale d’Iberdrola avec l’aval de la ministre de l’Écologie en poste sous la présidence de François Hollande, Madame Ségolène Royal.

Pour appuyer sa demande de dérogation, Iberdrola/Ailes Marines y joint un courrier de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) qui annonce une collaboration avec le promoteur éolien en guise de compensation pour la destruction et la perturbation des espèces et de leurs habitats. Une caution étonnante qui ne convainc d’ailleurs pas les experts du Conseil National Pour la Protection de la Nature qui se sont autosaisis du sujet et ont publié en juillet dernier un rapport sans appel :

« On ne peut pas compenser la perte d’habitat causée par la disparition des zones d’alimentation pour les oiseaux locaux (nicheurs ou hivernants) et encore moins pour les migrateurs provenant de l’Europe entière ».

CNPN

Parmi les espèces ciblées par la dérogation obtenue par Ailes Marines, figurent de nombreuses espèces vulnérables ou en danger critique d’extinction comme le puffin des Baléares pour la survie duquel la France occupe une place capitale. Figurent également le pingouin torda (dernière espèce de pingouin encore existante) et le guillemot de Troïl pour lesquels l’étude d’impact conclut que la survie de la population ne peut pas être assurée si le projet aboutit. Ces seuls états de fait devraient suffire à invalider les dérogations obtenues

« Une augmentation de 5% de mortalité́ est jugée incompatible à terme avec la survie des espèces d’oiseaux marins (Dierschke et al. 2003), voire même 1% pour les espèces vulnérables ou en déclin (Everaert 2013). » 

Autosaisine du CNPN, page 35

Le cas de Saint-Brieuc n’est pas unique, d’autres projets déjà autorisés dans des zones capitales pour la biodiversité posent des problèmes similaires (Dunkerque, Le Tréport, Courseulles-sur-Mer, Belle-Ile-en-Mer, Ile de Groix, Banc de Guérande, Oléron…) et provoquent un cumul d’impacts incompatibles avec la survie des oiseaux marins. Nous attaquerons toutes les dérogations de destructions d’espèces protégées liées à ces projets dès lors qu’elles ne respectent pas les conditions légales d’obtention

L’engagement d’une transition pour lutter contre le réchauffement climatique est capital. Mais une telle ambition ne peut cautionner sans en mesurer le risque avéré et irréversible, l’extinction d’espèces et la destruction d’habitats indispensables au bon fonctionnement de tout un écosystème fragile et extrêmement complexe qu’aucune mesure ne pourra compenser.

Si l’industrie éolienne souhaite s’inscrire comme une figure de proue de la lutte contre le réchauffement climatique (ce qui reste encore à démontrer), elle ne peut mépriser à ce point la biodiversité sans laquelle elle se viderait de toute sa substance à vocation environnementale. Il est urgent d’instaurer un moratoire sur l’ensemble des projets afin d’inclure le grand public et de mettre à sa disposition une information transparente permettant à chacun de prendre conscience des enjeux. C’est jusqu’ici très loin d’être le cas.

1 – Energies marines renouvelables

1er Courrier LPO

2ème Courier LPO

Autosaisine du CNPN