Meilleurs vœux à nos bénévoles et à nos supporters pour cette année 2019 qui nous rapproche encore un peu plus de notre destin.

Nous avons refermé 2018 sur une victoire pour laquelle nous nous sommes battus de nombreuses années : faire de l’antarctique un véritable sanctuaire pour les baleines. En 2005, j’embarquais à bord du vieux Farley Mowat, cap sur l’océan austral où je verrai mes premiers icebergs, mes premières baleines, mes premiers baleiniers. Nous coupions le chauffage à bord pour économiser du carburant et rester quelques jours de plus aux côtés des baleines. Au bout de deux mois, nous rentrions finalement au port, la mort dans l’âme de ne pas avoir les fonds suffisants pour rester pendant toute la saison de chasse. Des pleurs pour les uns, de la colère pour les autres, et la rage d’en faire plus pour tous. Un sanctuaire international, violé chaque année par une flotte de braconniers envoyée par la troisième puissance économique mondiale, venue massacrer au harpon explosif les doux géants que nous avons déjà amenés au bord de l’extinction. Et qui pour les défendre ? Une bande de saltimbanques bénévoles à bord d’un bateau de pêche vieux d’un demi-siècle, une coquille de noix qui brave les tempêtes d’un des océans les plus hostiles de la planète à mille lieues de toute civilisation. Combien de Noël passés loin des nôtres, aux confins du monde pour faire résonner sur la scène internationale les cris des baleines harponnées qui sans nous ne fendent que le silence austral, dans l’indifférence et l’impunité dont jouissent les plus forts, loin des regards. Des baleines qui par cette négation de leur agonie, meurent une seconde fois.

De 2005 à 2017, Sea Shepherd a fait ce que les Marines d’État auraient dû faire : protéger le sanctuaire baleinier de l’océan austral, jusqu’aux limites du possible. Et jusqu’à diviser par trois le nombre de baleines harponnées.

6 000 baleines et leur descendance nagent aujourd’hui dans l’océan parce que cette bande de saltimbanques a refusé de rester les bras croisés à se morfondre de l’inaction de ceux qui auraient dû agir. Ces baleines doivent la vie aux bénévoles qui travaillent sur les bateaux ou à terre, aux donateurs privés qui nous libèrent de toute dépendance aux gouvernements et qui ont permis de donner naissance à la plus grande flotte privée du monde, la seule Marine entièrement dédiée à la protection de la vie marine, l’âme et la voix de l’océan, le destin de l’humanité.

Les harpons vont enfin se taire en Antarctique mais le bruit de la mort résonne encore dans toutes les mers du monde. Et dans les mers françaises… des milliers de dauphins massacrés dans les filets de pêches sur les côtes françaises avec la bénédiction de nos gouvernements successifs, les mamans tortues tuées par centaines à la machette sur les plages de l’île française de Mayotte, la nurserie marine de Guyane violée par TOTAL avec la bénédiction de notre président : la destruction de l’habitat est la première cause d’extinction des espèces.

D’ici 2048 comme nous l’ont prédit les scientifiques des Nations Unies, nous aurons provoqué un effondrement global des populations de poissons pêchées aujourd’hui, traquées jusque dans les moindres recoins de l’océan, à coups d’escadrilles de pêches ultra modernes, subventionnées par nos impôts. D’ici 2048, il y aura plus de plastique dans l’océan qu’il n’y aura de poissons. D’ici 2048, nous aurons tué l’océan à coups de harpons, de filets de pêches, de bulldozers, de produits chimiques, de millions de tonnes de plastique… de réchauffement climatique. Mais nous l’aurons surtout tué par notre indifférence et par notre apathie. Nous sommes tous responsables et tous concernés, tous ceux qui sont dans la force de l’âge et qui se voient encore sur Terre dans 29 ans, tous ceux qui ont des enfants et qui leur souhaitent autre chose que l’enfer. Si un combat vaut la peine d’être mené, c’est celui-là. Nous ne serons pas là pour pleurer sur le dernier souffle de l’océan, nous aurons déjà disparu des conséquences de son agonie.

En 2019, ce que je peux nous souhaiter de mieux à tous, c’est de nous libérer de notre apathie collective. Quand le manque d’air nous réveillera, il sera trop tard, et nous verrons souffrir nos êtres les plus chers, nos enfants à qui nous ne pourrons même pas dire : “Pardonne nous, nous ne savions pas.” car nous savons.

Il est déjà trop tard pour beaucoup, le destin de tout ce qui disparait aujourd’hui a été décidé hier. Aujourd’hui, nous décidons de ce qui restera demain. Nous n’avons plus le droit à l’erreur.

Bonne année 2019 à tous,


Lamya ESSEMLALI
Présidente Sea Shepherd France
Directrice Sea Shepherd Global